Les sollicitations externes oubliées en phase de conception sont souvent en cause
Par Hugo Julien, ing.
Les causes d’incidents associés à un équipement sous pression peuvent souvent être reliées à un problème de conception. En effet, même si plusieurs sollicitations externes doivent absolument être prises en compte dans la conception initiale, les exigences de fabrication et d’inspection de l’équipement sont trop souvent oubliées ou mal communiquées dans le cahier des charges transmis au manufacturier.
En général, il est de la responsabilité du client, ou de l’ingénieur le représentant, de bien les communiquer au concepteur de l’appareil. Nous vous proposons donc un survol des neuf sollicitations externes cruciales à considérer dans la conception d’un appareil sous pression, et, bien sûr, à garder en tête pour les futurs dossiers reliés à des défaillances d’équipements sous pression dont vous pourriez hériter.
Notez que cette liste est tirée de documents émanant de l’American Society of Mechanical Engineers (ASME), Section VIII div. 1-2021, dont les codes et standards de construction sont conformes avec la règlementation canadienne.
1. La pression maximale de marche permise intérieure ou extérieure (sous vide)
La pression interne est presque systématiquement prise en considération, lors de la conception, puisque tous les appareils sous pression viennent avec une limitation claire au niveau de la pression interne maximale.
On ne peut toutefois pas en dire autant en ce qui concerne la pression externe, notamment pour des appareils exposés à un vide complet ou partiel. Il est moins commun que le réservoir soit conçu pour une telle condition d’opération. Par expérience, l’épaisseur des parois des appareils sous pression ou tuyauteries potentiellement exposés à un vide doit être augmentée lors de la fabrication de l’équipement. En effet, une possibilité de vide complet justifiera, en général, une paroi plus épaisse que celle associée à la pression interne pour les appareils sous pression ayant 24 pouces et plus de diamètre extérieur. Prenons l’exemple d’une canette en aluminium d’une boisson gazeuse populaire. Lorsque la canette n’est pas encore ouverte, une pression importante peut s’y accumuler sans aucun souci pour l’intégrité de cette dernière. Par contre, lorsque la même canette est vide, il est très facile de l’aplatir par une simple pression des doigts. S’il existe un risque de vide à l’intérieur du procédé, l’ingénieur responsable du projet doit s’assurer que l’équipement choisi peut supporter une telle condition.
2. Le poids de l’appareil sous pression et de son contenu dans les conditions normales de service (y compris la pression supplémentaire due à la colonne de liquide)
En général, les concepteurs d’appareils sous pression n’oublient pas d’inclure le poids de l’acier utilisé pour supporter de l’équipement. Cependant, le poids du fluide à l’intérieur de l’équipement et sa densité ne sont pas toujours inclus. Selon le volume de l’appareil sous pression et de la quantité du liquide qu’il contient, ces valeurs peuvent être non négligeables. Plus précisément, le poids supplémentaire associé à la présence d’un fluide (eau, acide, soude caustique, etc.) à l’intérieur du réservoir augmentera assurément les contraintes aux supports et, conséquemment, les risques de bris.
3. Les efforts supplémentaires reliés aux réactions imposées par le poids des équipements attachés sur les parois externes de l’appareil sous pression
Il est rare qu’un imposant équipement soit attaché sur les parois externes d’un équipement sous pression. Dans le cas contraire, le concepteur ne doit pas oublier d’inclure, au moment de la conception finale, les futures contraintes engendrées par ledit équipement.
Dans l’industrie, il est très fréquent d’oublier d’inclure, dans la conception finale, les forces et moments externes transférés par les tuyauteries qui s’attacheront sur les ouvertures (ou piqûres) correspondantes de l’appareil sous pression. En effet, trop souvent, le concepteur ne prévoit aucune contrainte supplémentaire pouvant venir du poids de la tuyauterie ou de la résultante de son expansion thermique. Cet enjeu devient très important sur les ouvertures ayant 3 pouces et plus de diamètre nominal. Des fissures associées à des contraintes très élevées peuvent être la conséquence d’un tel oubli.
4. Les actions dynamiques et les sollicitations cycliques, résultant des variations de pression et de température, ou qui sont inhérentes aux équipements fixés à l’appareil sous pression ou aux efforts qui lui sont appliqués
La fatigue, due à une charge cyclique mécanique ou thermique, est une autre cause potentielle de défaillance des réservoirs sous pression et des composants de tuyauterie au Canada. Cette fatigue survient lorsqu’un réservoir sous pression est soumis à des variations de contraintes répétées.
Pensez, par exemple, à la fameuse règle en plastique souple avec laquelle nous jouions probablement trop souvent en classe! Chaque fois que vous l’avez pliée, vous y avez mis du stress et avez amorcé, sans le savoir, des fissures sur ses parois externes. Fissures qui se sont propagées jusqu’à sa rupture complète.
Le sujet des sollicitations cycliques a déjà été abordé dans un autre article technique de CEP, publié le 25 février 2020 : https://cep-experts.ca/fr/les-reservoirs-et-les-effets-cycliques-potentiels-sur-ses-parois/
5. Les actions du vent, de la neige et des séismes (s’il y a lieu)
Ces sollicitations externes peuvent devenir très critiques pour les réservoirs sous pression ayant une importante masse (pour les séismes) et ceux de petit diamètre et ayant une importante hauteur (pour les vents).
En ce qui concerne les contraintes associées aux séismes, si la masse d’un réservoir augmente de plus de 5 % lors d’une modification durant sa vie utile, il est recommandé de réaliser de nouveaux calculs pour vérifier si les nouvelles contraintes aux fixations sont toujours dans les limites autorisées par le code de construction d’origine ou si le réservoir aura besoin de renforts supplémentaires.
Par ailleurs, il faut noter que ces calculs doivent toujours être réalisés en fonction de la dernière édition du Code national du bâtiment en vigueur à l’endroit où l’appareil est installé.
Veuillez prendre note que la vallée du Saint-Laurent, incluant Montréal, Trois-Rivières et Québec, représente un territoire à risque pour les séismes. Les grands vainqueurs des régions les plus à risque au Québec sont celles de Baie-Saint-Paul et des Îles-de-la-Madeleine.
6. Les efforts de choc, tels que ceux provoqués par des variations brutales de pression du fluide
Un coup de bélier est un exemple classique de conséquence possible d’une augmentation soudaine de pression à l’intérieur d’un appareil sous pression. Plus précisément, un coup de bélier peut survenir lors de la fermeture trop rapide d’une valve, qui peut créer une onde de choc tout le long de la tuyauterie sous pression, et mener à une défaillance catastrophique, comme une explosion. D’autres phénomènes, comme une réaction chimique, peuvent expliquer cette sollicitation externe. L’ingénieur responsable du choix de l’appareil sous pression doit s’assurer, une fois de plus, que cet effet de choc possible dans le procédé pourra être absorbé de façon sécuritaire par l’appareil sous pression.
7. Les gradients de température et la différence de l’expansion des matériaux
L’exemple le plus classique est l’utilisation de deux types d’aciers ou de matériaux différents dans la conception de l’appareil sous pression. À titre d’exemple, l’industrie pétrolière suggère de minimiser l’utilisation d’un joint de soudure reliant de l’acier inoxydable austénitique (type 304 ou 316) avec de l’acier au carbone pour éviter une fissuration possible en raison des différents coefficients d’expansion thermique entre les deux matériaux.
Autre exemple : projeter un fluide froid sur une paroi chaude ou vice versa. En effet, verser de l’eau froide sur un moteur de voiture encore tout chaud risque de fissurer votre moteur.
Les réservoirs ayant une épaisseur de plus de 2 pouces sont davantage sujets à une telle problématique.
8. Pressions anormales, telles que celles provoquées par une déflagration
Cette sollicitation est rare et a été ajoutée dans un code l’ASME, au début des années 2000. Un bon exemple d’équipement sujet à ce type de sollicitation est un disjoncteur haute tension. Ces équipements sont sous pression à l’aide d’un gaz inerte. Dans ce type d’équipement, il existe un risque qu’un important arc électrique déviant de sa trajectoire puisse frapper la paroi interne du réservoir sous pression. Puisque ce risque existe, le concepteur doit concevoir l’appareil sous pression pour qu’il puisse absorber ce choc (importante augmentation de la chaleur et de la pression) de manière sécuritaire, tout en prévoyant le remplacement par un équipement neuf si un tel événement se produit.
9. Pression générée par essais de pression pour certifier l’appareil
Cette sollicitation est bien connue des concepteurs d’équipement sous pression et bien considérée, généralement.
L’oubli d’une ou de plusieurs des sollicitations énumérées ci-haut peut expliquer la ou les causes d’une avarie associée à un appareil sous pression neuf. Ces sollicitations, si elles existent, doivent être considérées dans les étapes d’investigation de l’expert en sinistre.
Finalement, veuillez noter que si l’équipement sous pression est installé au Québec, et qu’il est associé à un sinistre, il faut en informer la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) pour qu’elle puisse également faire sa propre enquête : (https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/rc/B-1.1,%20r.%206.1).
Pour toute question au sujet des appareils sous pression, n’hésitez pas à communiquer avec notre équipe d’experts spécialisés en génie mécanique