Marcher sans « s’enfarger » dans les fleurs du tapis… ou ailleurs!
Par Andréanne Labrecque, ing.
Saviez-vous qu’entre 2015 et 2017, les chutes ont été responsables de 3854 décès au Québec[1]? Elles sont aussi fréquentes en milieu de travail. En 2017, plus de 10 000 dossiers ont été ouverts à la CNESST pour des chutes de plain-pied[2]. Peu importe le contexte, ces chutes peuvent mener à des réclamations d’assurance. Découvrons comment les investigateurs forensiques procèdent dans de tels cas.
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Mais tout d’abord, parlons spécifiquement de la façon dont nous marchons et de comment nous pouvons finir par glisser, trébucher et tomber.
La déambulation humaine est composée de plusieurs petits mouvements cycliques qui peuvent être décortiqués en phases : la phase d’appui et la phase oscillante. Le pas humain débute avec un contact initial du talon contre le sol et se poursuit avec la phase d’appui. Par la suite, il y a une phase oscillante (sans appui).
La phase d’appui représente 60 % du cycle, et la phase oscillante 40 %, comme le démontre la figure 1.
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Figure 1 : La déambulation humaine (Source : Marref, K. [2012]. Biomécanique et analyse de la marche[3]
Il est d’ailleurs surprenant que nous ne tombions pas plus souvent! Marcher est essentiellement un exercice d’équilibre et chaque pas en avant nous empêche de tomber lorsque notre centre de masse passe au-dessus du point d’équilibre de la jambe d’appui.
Notre cerveau anticipe également notre mouvement et provoque la contraction des muscles appropriés en prévision de la phase suivante. C’est toutefois cette même anticipation qui nous rend vulnérables aux glissades et aux trébuchements, car les obstacles inattendus ne sont pas correctement analysés par notre cerveau, ce qui peut conduire à l’instabilité.
Définitions
Définissons et distinguons maintenant quelques termes associés au fait de tomber.
Une glissade se produit lorsque le pied (soulier) perd sa traction contre la surface du plancher, ce qui entraîne une perte d’équilibre.
Un trébuchement est plutôt une perte d’équilibre lorsque le mouvement du pied est interrompu par un obstacle ou un événement inattendu.
Finalement, une chute est un mouvement vertical du corps humain qui désigne l’action de tomber[1].
Quelles sont les causes les plus communes de chute par glissade?
- Les plaques de glace;
- Les surfaces ou planchers mouillés;
- La contamination de la surface par des produits comme de la poussière, de la poudre, des granules, des peluches, etc.;
- Les planchers polis ou une surface fraîchement cirée;
- Les planchers en pente.
Et les causes les plus communes de trébuchement?
- Un changement d’élévation comme des marches non identifiées ou des rampes;
- L’irrégularité des surfaces où l’on marche (trous ou soulèvement du niveau de la surface).
Les escaliers sont souvent pointés du doigt dans les cas de chutes. Parfois, il s’agit de marches endommagées, de hauteur des contremarches non uniforme, d’un manque d’uniformité du giron, de la profondeur de marches ou du nez de marches (figure 2). Parfois, la luminosité peut être insuffisante.
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Figure 2 : Les différentes parties d’un escalier
Exigences
Le Code national du bâtiment prescrit plusieurs exigences pour les dimensions, entre autres, des escaliers. Chaque marche d’un escalier doit être uniforme et il existe des exigences de dimensions minimales et maximales pour la hauteur des contremarches et la profondeur d’une marche. Dans certains cas particuliers, les bords de chaque marche ainsi que le début et la fin des rampes doivent être délimités par un contraste de couleur ou de motif. Il existe aussi des exigences concernant les surfaces des marches et, dans certains cas, les escaliers doivent avoir un fini antidérapant. Les exigences du Code décrivent aussi des prescriptions concernant le nombre, la hauteur et l’emplacement des mains courantes.
D’autres causes de chutes sont reliées aux surfaces de plancher intérieur : surfaces irrégulières, mauvais entretien, revêtement de sol irrégulier, moquettes ou tapis non fixés. Il peut aussi arriver que certaines finitions architecturales de plancher soient glissantes lorsque mouillées.
Techniques et équipements
Des techniques et équipements spécifiques sont parfois requis lors d’investigations relatives à la chute de personne. La première étape consiste à rassembler des données et à prendre diverses mesures sur site. Les mesures permettent d’évaluer si les dimensions répondent aux exigences du Code et vous donnent une idée de l’agencement du site.
Par exemple, pour mesurer l’intensité lumineuse, un luxmètre peut être utilisé (figure 3). Le luxmètre est un petit appareil qui donne une valeur en Lux. Par exemple, pour les escaliers d’issue, le Code exige généralement une luminosité de 50 lux.
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Figure 3 : Un luxmètre
Quant aux caractéristiques des surfaces de plancher, il existe plusieurs appareils qui permettent de mesurer le coefficient de friction ou de déterminer si la surface est considérée comme antidérapante.
À la figure 4, nous vous présentons le tribomètre. Ce dernier réplique le mouvement effectué par le talon lorsqu’un pas est effectué. Le pied de l’appareil, monté sur un bras mécanique, est propulsé par une cartouche de CO2 qui déplace le piston localisé au niveau de ce pied. Cela permet une vitesse et une charge constantes au niveau du pied. Une rotule est installée entre le pied et le piston pour permettre le mouvement dans différents angles sur la surface.
L’angle d’incidence du pied contre la surface est changé par l’opérateur jusqu’à ce que le pied glisse contre la surface. L’angle à partir duquel le pied glisse donne une valeur qui correspond au coefficient de friction. Ces essais se font dans des conditions sèches ou mouillées (en appliquant de l’eau sur la surface).
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Figure 4 : Un tribomètre
Informations requises
Quand vous êtes confronté à une perte concernant une chute de personne, l’idéal est d’obtenir l’information la plus détaillée possible sur les circonstances et les lieux de l’incident. Cette information peut être obtenue par la victime de la chute ou par des témoins présents lors de cette dernière. Si des caméras sont à proximité, essayez d’obtenir copie des enregistrements le plus rapidement possible.
Le plus tôt possible après l’incident, consignez à l’aide de photographies l’emplacement de la chute et l’aménagement des alentours, car les conditions pourraient changer rapidement. Si possible, obtenir le rapport du médecin détaillant la blessure en lien avec l’incident peut s’avérer pertinent, comme l’obtention du détail des conditions médicales préexistantes du réclamant.
Quelles que soient vos questions en lien avec les chutes de personnes, un investigateur comme ceux de CEP Forensique peut y répondre en plus de vous guider dans la gestion de la réclamation découlant de cette chute.