Par Nicolas Geoffroy, ing., Ph.D.
Présent partout autour de nous, ne serait-ce que dans les portes et fenêtres de nos résidences, le verre est aussi couramment utilisé pour des applications architecturales très importantes, comme les murs-rideaux de grands bâtiments. Les experts forensique sont fréquemment appelés à travailler sur des projets impliquant des dommages à du verre ou des blessures causées par celui-ci. Ils doivent parfois même se transformer en Sherlock Holmes pour mener à bien leurs investigations! Composition de base, brèves descriptions des différents types de verres présents sur le marché, défaillances probables et rôle de l’investigateur forensique : cet article offre un panorama complet sur le verre.
La composition du verre
Précisons d’abord que le verre est un solide amorphe, c’est-à-dire, un matériau ne possédant aucune structure atomique ordonnée. Il est principalement composé de dioxyde de silicium (SiO2), d’oxyde de sodium (Na2O) et d’oxyde de calcium (CaO) (verre sodo-calcique – soda lime glass).
Différents additifs et traitements thermiques permettent de modifier les propriétés optiques, chimiques et mécaniques du verre. De plus, des revêtements peuvent aussi être appliqués pour ajouter certaines propriétés. On peut notamment penser au verre à faible émissivité (low E); un verre thermos clair auquel on ajoute une couche mince laissant passer la lumière extérieure tout en bloquant le rayonnement de la chaleur.
Types de verre pour les bâtiments
Il existe plusieurs types de verre couramment utilisés pour les bâtiments. Le Code national du bâtiment formule certaines exigences en matière d’usages spécifiques. Voyez ici les types de verre les plus répandus et les propriétés de chacun.
Verre flotté
- Verre le plus standard;
- Fabriqué en laissant flotter le verre liquide sur un lit d’étain fondu;
- Verre fragile aux propriétés mécaniques relativement faibles. Il se brise en larges fragments générant ainsi des risques importants de blessures en cas d’impacts.
Verre trempé
- Comme son nom l’indique, ce verre subit un traitement thermique de trempe. Les contraintes en compression sont très importantes sur la surface;
- Ses propriétés mécaniques sont environ quatre fois supérieures au verre flotté et ce matériau est extrêmement résistant aux impacts;
- Le verre trempé se brise en petits fragments. Les risques sont donc beaucoup moins grands en cas d’impact. C’est d’ailleurs pour cette raison que le verre trempé est considéré comme un verre de sécurité.
Verre renforcé à la chaleur
- Traitement similaire à celui du verre trempé, mais avec des contraintes en compression moins importantes;
- Ses propriétés mécaniques sont environ deux fois supérieures à celles du verre flotté;
- Se brise en larges fragments et n’est donc pas un verre de sécurité.
Verre feuilleté
- Composé de différentes couches de verre et de polymère laminé. Le film interne de polymère empêche la séparation des fragments de verre en cas d’impact, ce qui permet de le considérer comme un verre de sécurité;
- Utilisation limitée dans le domaine du bâtiment en raison de ses coûts plus importants;
- Couramment utilisé pour les pare-brise de voiture.
Verre armé
- Un treillis métallique est inséré dans le centre de ce type de verre lors de sa fabrication. C’est pourquoi on l’appelle aussi verre broché;
- Ce treillis sert surtout à tenir le verre en place en cas d’incendie, mais il ne confère pas une plus grande solidité en cas d’impact;
- Ce matériau est d’ailleurs couramment impliqué dans des blessures dans des édifices publics. Auparavant considéré comme du verre de sécurité, ce standard lui a été retiré en 2017, au Canada.
Les égratignures et les autres défaillances
Les égratignures
Parmi les défaillances fréquentes concernant le verre et pour lesquelles les services d’un expert forensique sont demandés, il y a le phénomène des égratignures. Ces investigations forcent souvent l’expert à enfiler son chapeau de détective. Après avoir récolté le plus grand nombre possible de témoignages, il doit ensuite reconstituer le fil des événements pour savoir quelles interventions ont été faites, et à quel moment, pour peut-être parvenir à déterminer qui est la personne responsable desdites égratignures et comment celles-ci sont survenues. En tenant compte de la mémoire qui fait parfois défaillance et des versions souvent contradictoires…
Les égratignures peuvent parfois être simplement causées par de mauvaises techniques de nettoyage. Par exemple, le verre trempé et le verre renforcé à la chaleur sont plus sujets aux dommages pouvant être causés par des lames (grattoirs). En effet, l’utilisation de cet outil peut générer le dégagement de fines particules de verre déposées lors de la fabrication qui peuvent se loger sous le grattoir égratigner le verre lors du frottement de la lame.
Ce genre de sinistre peut générer des pertes très importantes quand des centaines de fenêtres doivent être remplacées, comme dans un gratte-ciel résidentiel. Il existe d’ailleurs un standard canadien permettant de faire l’évaluation des dommages et d’évaluer si les panneaux doivent être remplacés.
Autres défaillances
Hormis les égratignures, les investigateurs forensique sont également appelés à intervenir dans des dossiers de bris de vitrine, dont certains impliquent des gens blessés par les éclats ou des fragments de verre.
Prenons par exemple le bris d’une vitrine d’un local commercial à la suite de l’utilisation de décalques foncés. Dépendamment du type de verre, les décalques peuvent causer des contraintes thermiques et causer des bris. Dans un tel cas, le remplacement par un verre trempé pourrait être souhaitable, ce dernier étant beaucoup plus résistant et sécuritaire.
Compte tenu des pertes parfois très importantes, certains dossiers peuvent être judiciarisés et devenir des causes très significatives. Parmi les causes célèbres, on peut penser à une décision rendue en 2016 par la Cour suprême du Canada dans le dossier Ledcor Construction Ltd.[1]
Le rôle de l’investigateur forensique
Lorsqu’on fait appel aux services d’un investigateur forensique dans un dossier impliquant du verre, il se rend d’abord sur le site pour prendre des photographies et pour documenter les circonstances entourant le sinistre.
Chez CEP Forensique l’équipe d’experts dispose notamment de drones professionnels et de pilotes certifiés par Transports Canada, ce qui permet d’inspecter des façades de bâtiment sans avoir à utiliser des nacelles ou à passer par l’intérieur du bâtiment. Il est ensuite possible d’effectuer une modélisation 3D de l’édifice et de prendre des mesures précises sur ce modèle. Lorsque possible, des échantillons sont prélevés pour les examiner de près et effectuer certains tests en laboratoire. Une analyse de la documentation disponible qui inclut la consultation des relevés sur les normes canadiennes applicables est effectuée, ce qui permet de déterminer si le verre en question devrait être remplacé. L’ensemble des observations et des conclusions sont ensuite consignées dans un rapport d’opinion.
[1] https://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/item/16121/index.do