Par Hugo Julien, ing.
La première chaudière industrielle munie d’une soupape de sécurité a été conçue par le français Denis Papin en 1679. Ces chaudières ont ensuite été fabriquées à plus grande échelle en Angleterre au 18e siècle. Les premières chaudières étaient faites de pièces rivetées en fer forgé. Au fil du temps, comprenant de plus en plus les avantages de la pression et de la température, des fabricants se sont tournés vers l’acier soudé. Les appareils conçus avec ce dernier matériau furent reconnus et acceptés par le code ASME vers les années 1930.
L’utilisation de la vapeur a été un des vecteurs propulsant la révolution industrielle des 18e et 19e siècles. Malheureusement, dès le début du 20e siècle, les explosions de chaudières à vapeur survenaient à une fréquence d’une par jour, engendrant de nombreuses pertes de vie. En 1907, après 2 explosions catastrophiques, l’État du Massachusetts a adopté un premier article de loi adressant le design et la construction de tels engins. Les lois en découlant étaient détaillées sur trois pages et donnèrent naissance à une série de documents similaires forçant les usagers et fabricants à améliorer l’encadrement de ces chaudières, notamment en ce qui concerne le design, la construction et, ultimement, l’inspection.
En 1911, le conseil de l’American Society of Mechanical Engineers (ASME) a nommé un comité responsable de formuler des spécifications standards pour la construction de chaudières à vapeur et pour leur entretien en service. Le premier Code ASME pour les chaudières a été publié le 13 février 1915. Le Canada a officiellement adopté ces Codes de l’ASME en créant la première édition de la norme CSA B51 en 1939.
Pourquoi les chaudières explosent-elles si de la vapeur se dégage? Lorsque l’eau est transformée en vapeur, elle se dilate jusqu’à atteindre plus de 1000 fois son volume initial et se déplace dans les conduites de vapeur à plus de 100 kilomètres par heure (62 mph). Pour cette raison, la vapeur est une méthode efficace pour déplacer l’énergie et la chaleur depuis une chaudière centrale jusqu’à l’endroit où elle est nécessaire. En revanche, sans un traitement approprié de l’eau d’alimentation de la chaudière, l’installation subira de l’entartrage et de la corrosion. Dans le meilleur des cas, cela augmente les coûts en énergie consommée et peut mener à une vapeur de moins bonne qualité, à une efficacité réduite, à une durée de vie plus courte de l’installation et à un fonctionnement peu fiable. Dans le pire des cas, cela peut aboutir à une panne catastrophique et à des pertes de vies humaines.
Le cycle de vie d’une chaudière comprend sa conception, sa fabrication, son installation et son fonctionnement (y compris l’entretien), autant d’étapes qui comportent des risques si elles ne sont pas traitées avec le soin qu’elles méritent.
Depuis le moment où une conception est réalisée, jusqu’à son opération pendant de nombreuses années dans une usine, les nombreuses étapes de l’existence de l’équipement peuvent et vont induire un risque qui varie selon les soins apportés.
Parmi les inhibiteurs de risques, on retrouve :
Le facteur humain
Supposons que, malgré tout ce qui précède, vous ayez obtenu un système correctement installé et mis en service. Le personnel, les consultants et les fournisseurs ont maintenant tous quitté votre site. Qui est maintenant qualifié pour faire fonctionner et entretenir l’équipement ?
Les questions liées à l’exploitation, à l’entretien et au personnel constituent maintenant le problème principal en matière de sécurité des équipements de combustion. Les statistiques relatives aux incidents liés aux chaudières montrent que près de 40 % des décès et des accidents sont dus à une erreur humaine ou à un mauvais entretien. Une grande partie de votre réussite dépendra désormais de la culture de la sécurité sur votre site.
Lorsque vos employés se retrouvent seuls avec l’équipement, une personne mal formée peut, avec des outils rudimentaires, réduire votre bâtiment en ruines et créer des risques énormes auprès de ses collègues.
La documentation appropriée
Quelle que soit la personne chargée de l’entretien de votre équipement, vous devez également surveiller de près votre documentation. Cette dernière inclut les plans des panneaux, les points de réglage des interrupteurs, les temps de purge ainsi que les numéros de modèle des composants et les guides d’utilisation. De nombreux incidents sont survenus à la suite d’une mauvaise résolution de problèmes parce que l’information n’était pas facilement disponible. La qualité de la documentation aidera une investigation après-sinistre, si nécessaire.
Un entretien inefficace ou inapproprié
Un programme complet d’entretien préventif est un excellent moyen de défense contre les accidents et un autre élément essentiel pour assurer la sécurité de tous.
S’ils ne sont pas correctement entretenus, les équipements de combustion peuvent devenir moins sûrs à chaque minute de fonctionnement. La poussière, la saleté et les débris s’accumulent dans les ventilateurs d’air et les brûleurs. Cela modifie les rapports air/carburant. Certaines soupapes de régulation du gaz deviennent un peu plus lentes à chaque cycle. Les diaphragmes et les contacts des interrupteurs à pression vieillissent. Les contrôles de niveau d’eau accumulent de la boue.
Quelle que soit la manifestation physique, l’entretien irrégulier est généralement au cœur de tout problème de chaudière. Chaque appareil doit faire l’objet d’un entretien régulier en fonction de la régularité de son utilisation. Le fait de négliger l’entretien régulier de votre chaudière peut empirer des problèmes mineurs, qui se transforment en problèmes beaucoup plus graves et, potentiellement, en blessures.
Dans le pire des cas, le fait de ne pas vérifier votre chaudière peut provoquer une explosion catastrophique due à la combustion du carburant, à des niveaux d’eau trop bas, à la défaillance des interrupteurs de sécurité ou à la protection contre la surpression, entre autres causes. Des inspections régulières permettent d’identifier et de corriger les défauts avant qu’ils ne deviennent des problèmes majeurs.
En conclusion, les chaudières sont des équipements puissants, donc dangereux et risqués. Le Code ASME met l’accent sur trois niveaux de risque pour la production de vapeur. Le premier, présentant le risque le plus faible, implique de la vapeur produite à une pression inférieure à 15 psi. Le deuxième échelon comprend une pression entre 15 et 400 psi. Toutes les chaudières fonctionnant à plus de 400 psi présentent le risque le plus élevé et doivent être équipées de dispositifs de sécurité supplémentaires. En résumé, ils peuvent créer de nombreux maux de tête s’ils ne sont pas compris ou manipulés avec soin.
Il existe aujourd’hui deux (2) documents importants, reconnus par l’industrie canadienne, qui présentent toutes les exigences à respecter pour l’entretien et le fonctionnement des installations de chaudières :
- ASME Section VI, Recommended Guidelines for the Care and Operation of Heating Boilers
- ASME Section VII, Recommended Guidelines for the Care of Power Boilers
Enfin, il convient de préciser que, bien que le coût soit un facteur à considérer, les frais d’entretien et de réparation seront toujours dérisoires par rapport aux conséquences catastrophiques potentielles et aux pertes économiques suivant les temps d’arrêt dus aux pannes et à la perte de productivité.