Nous voici de nouveau en cette période de l’année où les fermes, partout au pays, déploient massivement différents types d’équipements agricoles dans l’objectif de mettre de la nourriture dans nos assiettes. Le Canada compte beaucoup de terres cultivables, soit plus de 640 000 km2. Tout ce territoire doit être assuré, et inévitablement, avec les assurances viennent les réclamations.
Les compagnies d’assurances canadiennes connaissent bien les risques associés à l’agriculture : pertes de récoltes, feux d’herbes, dégâts causés par la grêle, collisions impliquant de la machinerie agricole, réclamations pour blessures corporelles, pour n’en citer que quelques exemples. Les ingénieurs mécaniciens et les enquêteurs certifiés en matière d’incendie et d’explosion (CFEI) sont intéressés principalement par les pertes d’équipements agricoles. Qu’il s’agisse d’un problème mécanique ou d’un incendie, les dommages qui en résultent peuvent être considérables: perte de récoltes, frais de location d’équipement de remplacement et évidemment, coût de la machinerie elle-même. De plus, au fur et à mesure que les fermes continuent à prendre de l’expansion ou à fusionner avec d’autres, les agriculteurs investissent dans des équipements plus gros et plus performants pour exploiter plus d’hectares de terre. Prenons par exemple un simple tracteur tout usage. Jusqu’à la fin des années 80, la puissance de leur moteur était généralement inférieure à 100 chevaux-vapeur comparativement à des machines qui dépassent facilement 500 chevaux-vapeur actuellement. En conséquence, le prix de ces équipements a augmenté de façon considérable.
Les enquêtes sur les pertes associées à l’exploitation de ces équipements énormes et complexes aux fins d’assurance présentent de nouveaux défis uniques. Voici comment l’évolution de ces monstres de l’agriculture a eu une incidence sur nos enquêtes en tant qu’ingénieur et enquêteur en incendie :
Équipements électroniques :
La nouvelle machinerie agricole est maintenant équipée de divers appareils électroniques, de dispositifs et d’outils à la fine pointe de la technologie. Capteurs, outils de diagnostic et GPS s’unissent pour ne rien laisser au hasard.
Les répercussions :
Un nombre élevé d’appareils électroniques et d’outils de diagnostic est un couteau à doubles tranchants. Tout comme avec les voitures, plus d’équipements électroniques génèrent habituellement plus de problèmes. Les équipements électroniques augmentent la charge sur la batterie et l’alternateur, ainsi que le nombre de sources potentielles d’allumage au niveau du tracteur. Des défauts microscopiques sur les circuits imprimés, des connexions à haute résistance et des fils usés par frottements ne sont que quelques éléments pouvant contribuer à déclencher un incendie et/ou à le propager.
D’autre part, les équipements électroniques apportent souvent de la valeur ou contredisent des déclarations de témoins, car ils peuvent fournir des renseignements après l’incendie. Les opérateurs de machinerie agricole sont généralement très attentifs à leur équipement et à l’affût des codes de diagnostic de pannes et des indicateurs lumineux; ils peuvent donc communiquer ces renseignements à l’enquêteur après le sinistre.
Un nombre croissant de tracteurs et d’autres équipements lourds sont également équipés d’une technologie qui permet de transmettre les codes de diagnostic de la machine aux concessionnaires, aux fabricants et aux agriculteurs en temps réel. Ces renseignements peuvent être précieux pour déterminer l’origine et la cause d’un incendie ou d’une défaillance mécanique, même si la machine est entièrement détruite par le feu.
Temps de fonctionnement et efficacité :
Les équipements agricoles récents consomment moins de carburant et sont souvent dotés de réservoirs à essence plus grands que les anciens modèles, permettant ainsi aux agriculteurs de passer plus de temps dans le champ. De plus, pour rendre les tracteurs encore plus efficaces et propres, on utilise de plus en plus des turbocompresseurs ainsi que de la régénération (cycle pendant lequel on augmente la température des gaz d’échappement pour brûler les particules de diesel qui se sont accumulés dans le filtre d’échappement). Ceci permet d’être conforme aux normes d’émission des moteurs diesel.
Les répercussions :
Plus le temps en champ est élevé, plus les tracteurs sont sollicités et en conséquence, le temps disponible pour l’entretien et le nettoyage s’en trouve réduit. Cet état de fait peut souvent entraîner une accumulation importante de débris de récolte autour des différentes composantes du tracteur. Bien que cela puisse sembler anodin, l’accumulation de débris de récolte peut avoir des impacts graves. En raison de leur faible température d’inflammation, ces débris secs de récolte peuvent s’enflammer sur des surfaces chaudes comme les systèmes d’échappement ou les turbocompresseurs. De même, l’accumulation de débris inflammables dans les composants rotatifs peut accroître le frottement et provoquer de la chaleur ou un incendie. Finalement, les normes relatives aux émissions qui sont entrées en vigueur récemment permettent, ou même suggèrent, des températures plus hautes que la température actuelle des gaz d’échappement et des moteurs, augmentant ainsi le risque d’incendie en présence de combustibles.
Du plastique et encore du plastique :
Tout comme pour les véhicules de promenade, les fabricants de machinerie ont délaissé le métal pour le plastique afin d’économiser temps et argent ainsi que réduire le poids de leur machinerie.
Les répercussions :
Le plastique est beaucoup plus inflammable que le métal et propage généralement plus rapidement les incendies. Ces incendies provoquent ainsi des dommages irrémédiables et des pertes totales et peuvent rarement être maîtrisés rapidement par les opérateurs de machinerie.
Ces composantes en plastique sont plus susceptibles de briser au fil du temps et demandent plus d’entretien. Lorsque des éléments comme les attaches à usage unique et les pinces de câblage en plastique se brisent, les fils peuvent pendre librement. Pendant l’utilisation des tracteurs, ces fils peuvent s’user par frottements en raison de la vibration et perdre leur gaine de protection, augmentant ainsi le risque d’incendie.
Il est vrai que les agriculteurs peuvent prendre des mesures pour limiter certains de ces risques toujours croissants. Il n’est pas rare aujourd’hui qu’ils équipent leurs tracteurs de compresseurs d’air portatifs pour souffler les débris de récolte en plein milieu de leur parcours et d’extincteurs portatifs. Cependant, tous les risques ne peuvent être éliminés par les opérateurs de machinerie.
Chose certaine, vous pouvez vous attendre à ce que les tracteurs continuent de devenir de plus en plus sophistiqués et complexes pour répondre aux besoins de l’agriculture moderne…attendons-nous donc à ce que le traitement de ces types de réclamation devienne lui aussi de plus en plus compliqué.
Recensement de l’agriculture 2016 : https://www.statcan.gc.ca/fra/ra2016