Les éléments de preuve : les clés d’un possible recours


Les multiples informations que renferment une scène ou une pièce

Comme c’est le cas dans le cadre d’une enquête policière à la suite d’un crime, l’importance de préserver une scène de sinistre intacte ou de ne pas manipuler des objets qui pourraient permettre de faire la lumière sur ce qui s’est produit s’applique aussi à l’investigation forensique. Il s’agit en effet d’un élément crucial lorsque viendra le temps d’évaluer s’il y a une possibilité de recours.

Écoutez notre entrevue avec notre ingénieure Anne-Laure Esquirol, titulaire d’un baccalauréat en génie des matériaux et d’une maîtrise en génie chimique. Ingénieure chez CEP depuis 10 ans, elle explique comment une scène qui n’a pas été altérée ou une pièce qui n’a pas été endommagée post-sinistre peut être utile en cas de litige.

La préservation des éléments de preuve à la suite d’un sinistre est d’une importance capitale lorsque vient le temps d’évaluer s’il y a des possibilités de recours contre un fabricant, un installateur ou toute autre personne ayant manipulé les pièces à l’étude dans un dossier.

En 10 ans de carrière chez CEP, notre ingénieure et chef du groupe matériaux et métallurgie, Anne-Laure Esquirol, a été témoin de plusieurs possibilités de recours qui ont été perdues à la suite de l’endommagement, de l’altération ou de la disparition de conduites, de raccords, ou d’autres pièces qui ont défailli. Elle nous en parle davantage dans cette capsule vidéo.

1. Tout d’abord, quelle est la première chose qu’un expert en sinistre doit faire, lorsqu’il est saisi d’un dossier, pour s’assurer de la préservation des éléments de preuve?

C’est une très bonne question et il n’y a pas de réponse exacte. Cela va dépendre de la nature du dossier. Mais, par exemple, pour le département matériaux, nous traitons majoritairement de pièces. Donc, la première chose à faire serait d’identifier l’origine et la zone de la défaillance pour essayer de protéger cette zone. La préserver le temps que la documentation de la scène et le prélèvement soient effectués.

2. L’idéal, pour toi, c’est de pouvoir examiner une pièce qui n’a pas été manipulée par quiconque?

C’est sûr que l’idéal c’est d’arriver sur une scène ou dans un environnement qui n’a pas été altéré ou modifié, du moins par rapport à la pièce défaillante. Par exemple, pour cette conduite flexible comme celles que CEP examine par centaines, nous pouvons voir un dépôt noir important sur le faciès de rupture qui représente les surfaces de la fissure. Nous voyons aussi que tous les indices de propagation sont cachés. Ceci est souvent dû au frottement de la partie de l’écrou désolidarisé avec la garniture noire d’étanchéité. Donc, ceci représente des manipulations post-rupture qui n’ont pas été nécessairement faites avec un grand soin et qui peuvent donc compromettre l’analyse ultérieure.

3. Comme mentionné en introduction, il peut parfois arriver que les pièces brisées aient été jetées ou perdues. Dans un tel cas, comment parviens-tu tout de même à mener ton investigation à terme?

Cela dépend des cas et de la documentation présente. Mais c’est vrai qu’il nous est arrivé, pour de nombreux dossiers, de voir que les pièces étaient perdues ou alors détruites. Dans ces cas-là, nous n’avons pas d’autres choix que de regarder dans la documentation disponible, soit les photographies et les fiches techniques. Au final, nous pourrons obtenir suffisamment d’informations pour avoir une idée sur la cause de la défaillance. Et, par expérience, nous avons quand même réussi, dans plusieurs cas, à avoir de l’information, même si ce n’est pas l’idéal.

4. Et au contraire, si tu parviens à prélever une pièce qui n’a pas été manipulée par personne, est-ce qu’il arrive que, malgré tes analyses, ces tests ne parviennent pas à identifier la cause précise de la défaillance?

Généralement, si nous allons sur les lieux et qu’il n’y a eu aucune manipulation, nous sommes capables de vraiment identifier l’origine de la défaillance. Parfois, on se rend compte qu’il y a eu des manipulations sans que nous le sachions. Par exemple, on nous envoie chercher un tuyau fissuré, nous prélevons la section de tuyau dont on nous a parlé et nous effectuons un travail de documentation. Il arrive que nous ne trouvions aucune zone de défaillance et que l’on s’aperçoive finalement, plus tard, avec les faits rapportés et en faisant plus d’investigation, que la pièce a finalement été prélevée avec le réfrigérateur par exemple au moment de certaines manipulations avant notre présence. C’est pour cela, au final, que nous essayons de sensibiliser tout le monde sur l’importance de toutes les interventions qui se font avant notre investigation pour que celles-ci n’interfèrent pas avec notre expertise.

5. En matériaux, c’est parfois une combinaison de facteurs qui peuvent expliquer une défaillance. Grâce aux analyses que tu fais, es-tu parfois en mesure de déterminer, par exemple, si le fabricant a une plus grande part de responsabilité que l’installateur, ou vice-versa?

Alors généralement, c’est sûr qu’il y aura souvent une seule cause. Nous allons trouver une cause qui est prépondérante. Mais, il peut en effet arriver qu’il y ait une contribution de plusieurs causes, comme la fabrication et l’installation, et de savoir si, par exemple, la fabrication est prépondérante sur l’installation. C’est justement avec tous les éléments relevés sur le site et au moment de l’analyse physicochimique de la pièce que nous allons pouvoir déterminer la contribution de l’un par rapport à l’autre. Parfois, on observe un petit défaut de fabrication associé à un petit défaut d’installation. Pris à part, ces défauts pourraient ne pas avoir généré les dommages observés, mais la synergie des deux ensembles peut également générer des dommages. Donc, c’est vraiment l’analyse de tous ces éléments qui nous permet de déterminer cela.

6. Comme nous le disions, tu es une ingénieure en matériaux, mais pouvons-nous dire que la préservation de la preuve ou l’importance de ne pas altérer une scène à lui suite d’un sinistre s’applique dans toutes les branches de l’investigation forensique?

Oui, absolument! Que ce soit pour le département civil, incendie, environnement, mécanique ou en matériaux, notre travail, finalement, c’est vraiment d’investiguer tous les indices, tous les éléments, que ce soit sur la scène ou sur les pièces à l’étude. Donc c’est important pour tous nos départements et pour optimiser toutes les chances de recours pour nos clients.

Merci d’avoir pris ces quelques minutes avec nous, Anne-Laure.

Si vous avez des questions additionnelles sur ce sujet, ou sur tout autre sujet concernant l’ingénierie forensique, n’hésitez pas à nous contacter.

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