Aspects à considérer pour combiner confort et sécurité
Par Pier-Olivier Morin, ing.
Dans les pays au climat froid comme le nôtre, le chauffage des résidences est un enjeu important. Les défis associés à la performance et à la sécurité des appareils de chauffage, tout comme le confort des occupants, ont toujours préoccupé les concepteurs.
C’est à partir de la seconde moitié du 20e siècle que les différents appareils de chauffage électriques se sont démocratisés au Canada. Règle générale, ces appareils sont sécuritaires, mais plusieurs défaillances peuvent malheureusement mener à des incendies.
Cet article s’intéresse aux différents modes de défaillances les plus fréquents auxquels sont confrontés nos experts responsables de déterminer la cause d’un incendie impliquant ce genre d’appareil.
Trois modes de transmission de la chaleur
Il existe trois modes de transmission de la chaleur : la conduction, la convection et le rayonnement (radiation) (figure 1).
Figure 1 – Modes de transmission de la chaleur
La conduction est un mode de transmission de la chaleur par des corps solides. Par exemple, un chaudron reposant sur un élément chauffant d’une cuisinière en fonction transmettra la chaleur à la poignée de métal par conduction.
La convection transmet la chaleur par le mouvement des fluides. Ce mode est le plus répandu dans les appareils de chauffage domestiques. L’exemple le plus commun est la plinthe électrique : un élément chauffant réchauffe l’air qui l’entoure et crée un déplacement d’air du bas vers le haut. L’air chaud étant plus léger que l’air froid, il aura tendance à s’élever dans la pièce et sera remplacé par de l’air froid qui se réchauffera à son tour, créant ainsi un mouvement d’air constant qui aura pour effet de réchauffer la pièce.
Le rayonnement est la transmission de la chaleur par ondes électromagnétiques. Le meilleur exemple est le soleil, il transmet sa chaleur par ondes électromagnétiques voyageant autant dans le vide de l’espace que dans l’air de notre atmosphère. Cette chaleur se ressent lorsque les ondes rencontrent un objet et le réchauffent.
Défaillance des éléments
Les appareils de chauffage fonctionnant par convection possèdent tous au moins un élément chauffant. Ces derniers se regroupent en deux catégories, soit les éléments avec gaine et les éléments sans gaine.
Les éléments avec gaine sont typiquement constitués d’un fil résistif protégé par une gaine métallique. Cette gaine est souvent recouverte d’ailettes afin d’augmenter la surface en contact avec l’air ambiant et ainsi améliorer l’efficacité des échanges thermiques. L’espace entre le fil résistif et la gaine est habituellement rempli par une poudre d’oxyde de magnésium qui conduit bien la chaleur, mais qui isole électriquement le fil de la gaine. Lorsqu’un défaut d’isolation électrique existe entre le fil et la gaine, un courant pourra s’amorcer entre les deux, créant un arc électrique pouvant produire des particules de métal en fusion dont le flux thermique sera suffisant pour entraîner l’allumage d’un incendie (figure 2).
Figure 2 – Défaillance d’un élément avec gaine
Quant au second type d’éléments, comme son nom l’indique, le fil résistif n’est pas protégé par une gaine et est donc en contact direct avec l’air. Une défaillance se manifestant par l’amorce d’arcs électriques peut survenir lorsqu’un ou plusieurs fils résistifs entrent en contact, ou lorsque le fil résistif vient en contact avec une partie métallique de l’appareil mise à la masse (figure 3). La chaleur dégagée par les arcs électriques est suffisante pour entraîner l’allumage d’un incendie.
Figure 3 – Fils résistifs fusionnés
Mauvais branchement électrique
Les composants du système de chauffage électrique, dont les appareils et les thermostats, sont particulièrement à risque d’une défaillance reliée à un mauvais branchement électrique, puisqu’ils sont soumis à un courant élevé. Les thermostats et les appareils de chauffage sont habituellement branchés aux câbles électriques de la résidence avec des capuchons de connexion (Marrette). Le couple de serrage des capuchons doit être suffisamment élevé pour garantir un bon contact entre les conducteurs. Dans le cas contraire, la résistance entre les conducteurs est augmentée, ce qui peut générer une chaleur suffisante pour allumer un incendie (figure 4). Ce phénomène se nomme contact résistif.
Figure 4 – Test de contact résistif impliquant un capuchon de connexion
Obstruction
Les appareils de chauffage électriques possèdent tous leurs propres mécanismes de sécurité pour empêcher leur surchauffe en cas d’obstruction par des objets. À titre d’exemple, sur une plinthe électrique, cette protection prend la forme d’un capillaire (tuyau de faible diamètre), présent dans le corps de l’appareil, tout près de l’élément (figure 5). Lorsqu’un objet obstrue la plinthe, entraînant une surchauffe du capillaire, le gaz qu’il contient se dilate et agit sur le diaphragme. Ceci a pour effet d’interrompre l’alimentation électrique et donc le fonctionnement de la plinthe. Lorsque la température redescend, l’appareil recommence à chauffer. Ce cycle se répétera tant que l’obstruction sera présente. Or, ce dispositif de protection thermique a une durée de vie limitée. Si l’obstruction se poursuit pendant une longue période, il peut cesser de fonctionner. Ainsi, en l’absence de protection thermique fonctionnelle et efficace, la plinthe peut surchauffer et entraîner l’allumage d’un objet en contact ou situé trop près.
Figure 5 – Capillaire et diaphragme d’une plinthe électrique
Plancher chauffant
Les planchers chauffants électriques utilisent le principe de la conduction de la chaleur pour chauffer le revêtement du plancher. Cette chaleur est transférée à l’air ambiant principalement par rayonnement. Les planchers chauffants électriques sont habituellement constitués d’un câble chauffant ou d’une pellicule chauffante installée sous le revêtement et comportent un thermostat assurant la régulation de la température dans la pièce. Le thermostat est relié à une sonde de température installée sous le revêtement, à proximité des câbles. Ainsi, le thermostat fait une lecture de la température ambiante dans la pièce tandis que la sonde installée sous le revêtement agit comme dispositif de protection haute limite de température. Puisque ce système de chauffage repose sur le transfert de la chaleur, ce dernier ne peut pas s’effectuer si une section du plancher est recouverte par un objet de grande taille et pendant une longue période. Malgré la présence de la sonde, si l’obstruction ne se produit pas à proximité de celle-ci, elle ne peut pas détecter la surchauffe. Le revêtement du plancher et l’objet faisant office d’obstruction peuvent ainsi être endommagés par la chaleur, ce qui constitue un risque d’incendie (figure 6).
Figure 6 – Dommage thermique au revêtement du plancher en raison de la présence d’une obstruction
Surcharge
La compatibilité des différents composants du système de chauffage est cruciale afin de garantir leur bon fonctionnement et la sécurité des occupants. Pour ce faire, la tension (en volts), le courant (en ampères) et la puissance (en watts) maximale de chaque composant doivent être impérativement respectés. Ces informations sont habituellement inscrites sur la plaque signalétique du dispositif de chauffage, sinon dans le manuel d’installation et/ou sur la fiche technique. Dans l’exemple montré à la figure 7, un thermostat électronique dont la puissance nominale est de 3000 watts contrôlait deux plinthes électriques d’une puissance combinée de 4500 watts. Cette surcharge de puissance a provoqué une défaillance du thermostat, déclenchant un incendie.
Figure 7 – Thermostat endommagé par une surcharge de puissance
Bien que les appareils de chauffage domestiques soient des appareils homologués habituellement fiables et sécuritaires, il arrive malheureusement que des défaillances catastrophiques se produisent. Des pratiques de base doivent être respectées, comme faire appel à un électricien qualifié pour installer les appareils, respecter les directives du fabricant et éviter d’obstruer les appareils. En ce qui concerne les planchers chauffants, ils doivent être utilisés uniquement comme chauffage d’appoint, pour améliorer le confort des occupants.
N’hésitez pas à faire appel aux experts en génie électrique et en incendies de CEP Forensique pour répondre à toutes vos questions à la suite d’un incendie causé par la défaillance d’un appareil électrique de chauffage domestique.