Les risques d’utilisation de dégivreurs sur le béton


Les hivers canadiens sont rudes. Lorsque les températures plongent sous le point de congélation, de la glace peut se former sur les routes et les allées et les rendre dangereuses. L’un des moyens pour affronter la glace est l’utilisation d’agents de dégivrage : composés chimiques employés pour faire fondre et empêcher la formation de glace. Le composé le plus ancien et le plus couramment utilisé est le sel. Cependant, l’utilisation du sel doit être surveillée, car ce dernier peut parfois être plus nuisible que bénéfique.

SEL DE DÉGLAÇAGE

Le sel est utilisé traditionnellement pour faire fondre la glace ou empêcher l’eau de geler sur les routes et les voies de déplacement. Essentiellement, cela fonctionne parce que le sel abaisse le point de congélation de l’eau. Lorsque le sel est répandu sur une couche de glace, il retire une partie de l’eau de sa forme cristalline et se mélange avec un mince film d’eau sur la surface de la glace. Plus d’eau salée est créée, qui à son tour, fond plus de glace. L’eau salée empêche également toute nouvelle glace d’être créée. Ce procédé peut être efficace pour des températures aussi basses que -20 °C, selon la concentration de la solution et le type de sel utilisé (chlorure de sodium, chlorure de calcium ou chlorure de magnésium).

UTILISATIONS COURANTES ET IMPACTS
SÉCURITÉ PIÉTONNIÈRE

Les accidents de chute par glissade sont fréquents au Canada, surtout en hiver où la glace et la neige peuvent rendre dangereux les trottoirs et passages piétonniers. Dans ces types d’accidents, la partie lésée et le propriétaire assument chacun une partie de la responsabilité. Le propriétaire doit démontrer qu’il a rempli son devoir d’exercer des soins raisonnables en entretenant l’espace (enlèvement immédiat de la neige et de la glace), tandis que la partie lésée doit montrer qu’elle a fait preuve de prudence en marchant sur la surface dangereuse. En utilisant des agents de dégivrage pour faire fondre la glace et enlever la neige, le propriétaire réduit considérablement son risque de responsabilité en cas d’accident.

SÉCURITÉ ROUTIÈRE

Avant une chute de neige ou un événement à basse température, les routes sont aspergées de saumure (une solution saline ayant une forte concentration de sel). Il existe des préoccupations environnementales liées à l’utilisation de sels de voirie, car ils peuvent s’écouler dans les cours d’eau douce et nuire à la vie aquatique. La plupart des villes ont maintenant des règlements limitant la quantité de neige provenant des routes qui peut être jetée dans les étendues d’eau, principalement en raison des composés de dégivrage utilisés. Cela dit, le gouvernement du Canada n’interdit pas l’utilisation de sels de voirie, car cela réduirait considérablement la sécurité routière.

SEL CONTRE BÉTON

La plupart des infrastructures routières sont en béton. Parmi quelques exemples notons les garages de stationnement, les ponts, les tunnels, les trottoirs, etc. Bien qu’ils aident à contrôler la glace, les agents de dégivrage nuisent souvent au béton et peuvent causer des problèmes structurels majeurs. Le sel peut attaquer le béton de différentes façons. Les trois principales étant :

  • écaillage résultant du gel-dégel,
  • corrosion de l’armature,
  • attaque chimique.

Le béton est un matériau poreux ayant des capillaires capables d’absorber l’eau, semblable à une éponge. Lorsque l’eau entre dans les capillaires et gèle, elle se dilate d’environ 10 % et applique une pression sur la matrice de béton environnante. Le béton ne peut pas résister à cette pression, et par la suite, on observe la défaillance. Les sels de dégivrage augmentent la pression et exacerbent le cycle gel-dégel. En fait, le béton peut passer par plusieurs cycles de gel-dégel en une journée où des agents de dégivrage sont utilisés.

Le sel peut aussi attaquer le béton indirectement en facilitant la corrosion de l’armature. Quand l’armature d’acier se corrode, elle se dilate également. La formation de la couche de rouille crée ainsi une pression sur le béton qui l’entoure et finit par l’endommager. Le sel accélère le processus de corrosion en baignant la surface métallique d’électrolytes (solutions capables de conduire l’électricité) et en encourageant la création d’oxydes de fer que nous appelons rouille.

Dans certains cas, le sel peut également accélérer la réaction alcali granulats (RAG) dans le béton. C’est une réaction entre le ciment (un alcalin) et un ou plusieurs des agrégats du béton. La RAG provoque la formation d’un gel expansif autour des granulats. Lorsque le volume du gel augmente, il exerce une pression à l’intérieur du béton causant des dommages à la masse de béton.

L’EFFLORESCENCE

Un autre phénomène parfois observé sur le béton est l’efflorescence, mieux connue sous le nom de lixiviation. L’efflorescence du béton est la migration de sels minéraux à sa surface. Une solution composée de sels et d’un solvant (habituellement de l’eau) atteint la surface du béton et s’évapore, laissant derrière elle une couche de sels. Il existe deux types d’efflorescence; l’efflorescence primaire, dans laquelle la solution saline était déjà présente à l’intérieur du béton, et l’efflorescence secondaire, dans laquelle la solution saline est introduite au béton à partir d’une source externe.

L’EFFLORESCENCE PRIMAIRE

L’efflorescence primaire se produit ordinairement pendant le mûrissement du béton. Pendant la cure, le béton génère de la chaleur et de l’hydratation. L’hydroxyde de calcium Ca(OH), l’un des produits d’hydratation, se dissout dans l’eau du béton et se dirige vers la surface, où il s’échappe. L’eau s’évapore et laisse derrière elle le solide Ca(OH), qui réagit avec le dioxyde de carbone CO atmosphérique pour former du carbonate de calcium CaCO, un dépôt sur la surface du béton qui paraît floconneux et blanc.

Il est également possible que l’efflorescence primaire se produise longtemps après que le béton ait durci. Dans certains cas, des changements apportés à l’humidité relative de l’air peuvent extraire l’eau du béton. Par exemple, l’installation d’un déshumidificateur dans un sous-sol peut réduire l’humidité relative et créer de l’efflorescence, même si les murs de béton du sous-sol n’avaient jamais produit ce phénomène avant. Les efflorescences primaires ne sont généralement pas néfastes pour le béton. Le sel retrouvé à l’intérieur du béton n’est pas lié à ses autres éléments. L’efflorescence primaire est donc habituellement une préoccupation esthétique seulement.

EFFLORESCENCE SECONDAIRE

L’efflorescence secondaire dans le béton est due à l’infiltration externe d’une solution saline. Dans ce cas, la solution saline peut causer des dommages au béton en attaquant le ciment et en affaiblissant sa liaison aux granulats. L’efflorescence secondaire est comme l’ostéoporose du béton et doit généralement être traitée.

Au Canada, nous observons le plus souvent des efflorescences secondaires sur les ponts routiers et dans les garages de stationnement. Les sels de dégivrage font fondre la glace, puis la solution saline est absorbée dans le béton. Au fur et à mesure que la solution fait son chemin à travers le béton, elle affaiblit la liaison entre le ciment et les granulats et facilite la corrosion. Les efflorescences secondaires provoquent généralement des stries blanches ou parfois même des stalactites aux fissures et aux joints dans la structure de béton. Quand l’efflorescence secondaire est observable à l’œil nu, c’est un signe qu’une infiltration subsiste depuis un certain temps, car la solution a complètement traversé le béton. Bien qu’il ne soit pas observable, le béton et son armature se font très probablement attaquer par la solution saline.

PROTECTION

Il existe plusieurs façons de protéger le béton des effets néfastes du sel décrits ci-dessus. Par exemple, le Code national du bâtiment du Canada exige que le béton à usage extérieur ait une teneur en air de 5 % à 8 %. Cela engendre la formation de petites bulles d’air ou des vides dans le béton qui fournissent un espace supplémentaire dans lequel l’eau peut se dilater quand elle gèle, réduisant ainsi la pression appliquée à la masse de béton.

Une autre méthode de protection est l’utilisation de scellants qui empêchent la pénétration d’eau et de sels dans le béton. Ils sont appliqués en surface et travaillent en obstruant les pores de béton ou en formant une couche imperméable sur la surface du béton. Les principaux types de scellants sont :

  • pénétrant,
  • acrylique,
  • polyuréthannes,
  • époxy,
  • bitumineux.

Bien que les scellants empêchent les sels de pénétrer la surface du béton, ils ne font rien pour le béton qui a déjà subi des infiltrations de sel ou d’eau et peuvent aggraver le problème s’ils sont mal utilisés (l’eau et le sel sont piégés dans le béton et ne peuvent pas lixivier). Pour la protection contre la corrosion de l’armature, certaines mesures comprennent l’utilisation d’un revêtement époxy ou d’anodes sacrificielles. Des armatures en acier galvanisé, en acier inoxydable ou en matériaux composites peuvent également être utilisées, bien que leur prévalence au Canada soit limitée en raison de leur coût élevé. Enfin, lorsque le sel n’est pas nécessaire, le meilleur moyen d’agir est d’éviter son utilisation. Il existe d’autres options qui peuvent être envisagées. La chaleur, par exemple, est la meilleure méthode pour fondre de la glace. Le sable peut également être utilisé pour créer de la traction et est généralement plus écologique.

CONCLUSION

C’est un cercle vicieux. D’une part, il est important d’empêcher la formation de glace sur les chemins pour des raisons de sécurité publique. D’autre part, les agents de dégivrage utilisés peuvent avoir des effets nuisibles, souvent irréversibles, sur l’intégrité des infrastructures en béton. Nous dépendons des routes et des ponts pour passer d’un endroit à un autre. Il est important d’avoir des chemins sécuritaires pour voyager, mais aussi de choisir le bon mélange de béton et des mesures de protection pour lutter contre l’attaque de sel sur le béton. Notre expérience dans le traitement d’une multitude de cas différents, tels que les chutes par glissade et l’intégrité des structures de béton, nous met dans une position unique pour gérer les deux côtés de la question, sel vs béton.

Si vous avez des questions ou souhaitez en savoir plus sur ce sujet, veuillez communiquer avec notre équipe en génie civil et structure au 877 686-0240 ou info@cep-experts.ca

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