Liens continus : le flambement sans feu


Par Olivier Biron, ing.

Les fermes de toit à ossature légère préfabriquées en bois font partie du monde de la construction depuis plus de 50 ans. Malgré toutes leurs qualités, ces éléments structuraux sont à l’origine d’une proportion importante des effondrements de toiture chaque hiver. L’une des causes de rupture les plus fréquentes découle d’une erreur lors de la construction, ou plus précisément d’une mauvaise compréhension de l’un des éléments les plus cruciaux : le lien continu.

La ferme de toit typique est composée de membrures en bois de sciage en épinette, en pin ou en sapin, généralement de dimensions nominales 2 x 3 à 2 x 8, formant les membrures supérieures, inférieures et diagonales. La qualité du bois utilisé varie selon les besoins structuraux. Comme tout élément structural, les fermes de toit doivent être conçues selon les exigences du Code national du bâtiment.

 

Figure 1[1] : Composantes d’une ferme de toit. 

 

Et le lien continu dans tout ça?

Les membrures d’âme, ou diagonales (voir figure 1), peuvent être sollicitées soit en traction, soit en compression. Les membrures tendues subissent peu de déformation lorsqu’elles sont sollicitées. Quant aux membrures comprimées, un autre facteur s’ajoute à celui de la résistance à la compression pure : l’élancement de la membrure. L’élancement d’une membrure représente le rapport entre sa longueur et la plus faible dimension de sa section, ou axe faible. Un élancement excessif engendre un fléchissement de la membrure comprimée bien avant que la résistance théorique de la pièce ne soit atteinte.

C’est ce qu’on appelle le flambement. Ce phénomène diminue drastiquement la capacité de la membrure, qui se déforme alors davantage, entraînant une diminution supplémentaire de sa capacité. Ce cercle infernal peut ultimement causer la rupture de la structure ou occasionner une déformation permanente des membrures comprimées.

Pour illustrer ce qu’est le flambement, imaginez une règle à mesurer en plastique comme celle que vous aviez à la petite école. Disposez-la à la verticale, reposant sur une surface, et appuyez sur le haut de la règle. Elle se déformera (ou flambera), sans trop d’effort, dans son axe faible (épaisseur).

Il n’existe qu’un seul moyen d’empêcher le flambement : réduire le facteur d’élancement. Dans le cas d’une ferme de toit, deux options sont possibles :

  • Augmenter les dimensions de la membrure, ce qui requiert le recours à des membrures plus larges sur toute la ferme. Cette stratégie n’est pas pratique puisqu’elle engendre une augmentation du coût et du poids de la ferme;
  • Réduire la longueur effective de la membrure. Ceci peut être réalisé par l’ajout au chantier d’un dispositif intermédiaire de retenue latérale de la membrure. Il s’agit de la méthode la plus courante et la plus économique. Ce dispositif est constitué d’une pièce reliant les mêmes membrures comprimées des fermes l’une à l’autre. Vous l’aurez surement deviné, il s’agit du lien continu.

Pour illustrer le rôle du lien continu, reprenez votre règle, pincez-la sur le sens de l’épaisseur à mi-hauteur et appuyez à nouveau sur le dessus avec l’autre main en restreignant son mouvement latéral. Pas si facile n’est-ce pas? Le lien continu contribue donc d’une manière importante à la résistance à la compression de la membrure en divisant la longueur effective par (deux) 2 dans le cas d’un lien continu simple, par trois (3) pour des liens doubles espacés uniformément et ainsi de suite.

Mais ce n’est pas tout. Le lien continu empêche le flambement en appuyant latéralement la diagonale sur celle de la ferme adjacente. Que se passe-t-il si les diagonales comprimées de toutes les fermes flambent dans la même direction? Le lien continu n’est alors d’aucune utilité et le flambement se produit quasi librement.

 

Figure 2 : Membrures comprimées fléchies à l’unisson dû à l’absence de contreventement des liens continus

 

L’importance de lire les instructions

Afin d’empêcher le déplacement latéral du lien, il est nécessaire de le contreventer à l’aide de pièces disposées à 45 degrés fixées au lien continu et à l’extrémité des membrures comprimées de fermes adjacentes. De façon générale, les fabricants de fermes à ossature légère recommandent un espacement de 20 pieds entre ces contreventements. Cette information doit apparaître sur les plans de structure, s’il y en a, ainsi que sur les dessins d’atelier des fermes de toit et dans les instructions d’installation.

 

Figure 2[1] : Contreventement des liens continus

 

Il est à noter qu’au niveau des membrures supérieures (figure 1) des fermes de toit régulières, le revêtement métallique ou encore le platelage agit comme diaphragme, stabilisant ainsi les membrures latéralement.

Selon notre expérience, la rupture de fermes de toit à ossature légère en bois sans signe de dégradation apparent se produit, la plupart du temps, en raison de liens continus manquants, mal positionnés ou non contreventés. Il s’agit souvent d’une omission ou d’une mauvaise compréhension de la part de l’installateur.

Les experts spécialisés en génie civil et structure de CEP Forensique peuvent vous assister dans les cas de réclamations liées à la rupture d’une structure de toit à ossature légère, qu’elle ait été causée par une malfaçon au niveau des liens continus ou par un autre facteur.

[1] Source : Guide technique sur les fermes de toits légères pour la construction commerciale – CECObois

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