Par Olivier Biron, ing.
Lorsque survient un incendie dans un bâtiment, les assureurs impliqués font d’abord appel à nos services afin de déterminer la cause de l’incendie. Cet exercice permet, d’une part, de déterminer si la perte est recevable en vertu du contrat d’assurance, mais également d’évaluer le potentiel subrogatoire de la perte.
Ce potentiel ne dépend pas uniquement de la cause elle-même de l’incendie, mais aussi de la conception du système de protection incendie du bâtiment. Par exemple, la possibilité de recours d’un propriétaire d’immeuble à logements contre un locataire qui aurait causé un incendie accidentel pourrait être affaiblie si des déficiences sont observées au niveau des séparations pare-feu, permettant ainsi une propagation plus rapide ou plus étendue de l’incendie. La vérification de la conformité est alors effectuée par nos experts du département de génie civil. Le présent bulletin décrit sommairement le processus.
Dans les faits, la démarche de détermination de la conformité en matière de protection incendie débute avec l’expert en recherche de cause et d’origine. À la suite de son examen des lieux, il sera en mesure de préciser l’origine et la cause probable de l’incendie. Ces informations permettront alors de déterminer s’il existe un potentiel subrogatoire. Cet élément est important tant pour le propriétaire que pour les autres parties impliquées. En effet, la partie responsable du sinistre cherchera à mitiger sa perte. Pour le propriétaire, il s’agit d’une information précieuse qui pourrait permettre une éventuelle défense ou accélérer le processus de négociation.
Une fois qu’un potentiel de litige entre les parties est établi, l’ingénieur civil entre en jeu. Il arrive que nous recevions de tels mandats deux ans, voire trois ans après le sinistre. À ce moment, les preuves ne sont plus disponibles et l’investigation doit être basée sur les rapports d’autres parties ainsi que sur les données recueillies par l’expert en recherche de cause et d’origine. Malheureusement, ces données sont souvent incomplètes pour déterminer la conformité de différents dispositifs pare-feu, puisque cet expert, de par sa formation et la nature de son mandat, ne recherche pas les mêmes informations au cours de ses examens des lieux. Il devient alors quasi impossible de parvenir à une conclusion claire et définitive, à moins de déficiences graves et évidentes.
Il est donc crucial que le volet génie civil de l’enquête succède à la recherche de cause et d’origine dans un court délai, pendant que le site à l’étude est encore relativement non altéré. La collaboration de l’expert en recherche de cause et d’origine est primordiale. L’ingénieur civil le consultera d’abord pour obtenir des informations sur l’origine de l’incendie et son patron de propagation, de même que sur les enjeux du mandat. Ces données, combinées aux connaissances générales de l’ingénieur, permettent une plus grande efficacité sur le site, puisque l’ingénieur civil peut concentrer ses efforts dans les zones d’intérêt, ce qui engendre généralement un coût plus faible pour l’assureur et des délais réduits. Ces discussions et vérifications peuvent également permettre de déterminer si la zone d’intérêt a été modifiée ou si elle est représentative de son état lors du sinistre. Une première visite est alors réalisée pour documenter la composition des surfaces du bâtiment.
La partie de plaisir débute lorsque l’ingénieur civil retourne à son poste de travail. Tout commence par une recherche visant à déterminer les normes applicables au moment de la construction du bâtiment ou de rénovations subséquentes. En effet, il ne suffit pas de simplement utiliser l’édition du Code de construction le plus près de l’année de construction du bâtiment. Dépendant notamment des dimensions du bâtiment et de son usage, il peut être assujetti à une version différente des codes et normes en fonction de la réglementation municipale et de la législation provinciale. En l’absence de données ou de réglementation précises, l’édition du code précédant l’année de construction peut être utilisée à titre de référence ou pour déterminer les règles de l’art alors en vigueur. Dans le cadre de l’analyse, il est possible que certains éléments nécessitant une seconde visite fassent surface. Ce deuxième examen des lieux est généralement plus court, puisque l’attention est concentrée sur quelques éléments spécifiques. Évidemment, l’expert en sinistres est informé de l’avancement des travaux et son accord est demandé avant cette deuxième visite.
La conformité des différents systèmes de protection incendie du bâtiment peut alors être déterminée à partir des prescriptions du Code de construction et de la réglementation applicables. Bien que souvent mineures, des non-conformités existent tout de même dans la plupart des bâtiments. Cela n’indique pas nécessairement que chacune d’elles ait contribué à aggraver les dommages. L’ingénieur consciencieux prendra le temps d’analyser chacune des non-conformités soulevées et de tenter d’établir un lien avec le patron de propagation de l’incendie et de la ligne du temps des évènements. Une fois cette dernière vérification effectuée, il procèdera à la préparation d’une opinion sommaire résumant ses observations et conclusions. Il pourrait par la suite être appelé à produire un rapport plus complet pour usage par la cour et à témoigner lors d’un procès.
L’étude de conformité des systèmes de protection incendie constitue une arme (ou une défense) de choix dans le cadre d’un potentiel de subrogation, à la suite de l’incendie d’un bâtiment. Nous avons vu précédemment que la collaboration entre les différentes spécialités et la rapidité d’exécution sont primordiales tout au long de la réalisation de ces travaux. La collaboration de tous les intervenants permet d’obtenir le portrait le plus juste et exact de l’état des lieux avant le sinistre. Ainsi, le recours, dès le début de l’enquête, à une équipe multidisciplinaire expérimentée comme celle de CEP Forensique représente un avantage indéniable dans le règlement de tout sinistre.