Dégradation prématurée de panneaux d’armoires: À qui la faute ?


Des armoires de cuisine et des cabinets de salles de bain qui gonflent, leurs revêtements qui se décollent, s’effritent… Nous faisons tous ces constatations plus ou moins fréquemment, notamment quand ces armoires ou cabinets sont vieux et ont été usés par le temps. Toutefois, il arrive que ces constructions se dégradent prématurément. Par exemple, lorsque les mêmes dommages sont observés dans plusieurs unités d’un immeuble, on ne peut parler que de simples cas isolés résultant de négligence ou d’abus d’utilisateurs. En effet, il y a le plus souvent un vice de fabrication ou d’installation à l’origine de ces dommages.

En premier lieu, de quoi sont faits ces panneaux d’armoires? Habituellement, le panneau se compose d’une âme en particules/fibres de bois liées par une résine. Cette âme est ensuite recouverte (sur les faces ainsi que sur les bordures apparentes) par un revêtement d’une épaisseur de moins de 3 mm imprégné de résine. Les types d’âmes les plus utilisées sont :

  • Panneaux de particules de bois aggloméré (« particleboard »)
  • Bois aggloméré à densité moyenne (« Medium Density Fiberboard » – MDF)
  • Panneaux de fibres durs (« Hardboard » – HD)

Par ailleurs, on distingue deux types de panneaux. Ils sont définis par la méthode utilisée pour coller le revêtement sur les deux plus grandes faces de l’âme, c’est-à-dire qu’il est possible de fusionner thermiquement le revêtement ou encore d’utiliser une colle pour relier le revêtement à l’âme.

En fonction de la méthode utilisée, différents types de défaillances peuvent affecter les panneaux d’armoires. Les dommages visuels les plus communs sont sans doute la délamination ou l’émiettement dû à l’absorption d’un excès d’humidité (figure 1). Dans de nombreux cas, la délamination peut aussi provenir d’une mauvaise adhésion reliée à l’utilisation d’une colle inappropriée.

L’AMBIGÜITÉ AUTOUR DU MOT « MÉLAMINE »

Scientifiquement, la mélamine est une molécule servant de matière première (avec le formaldéhyde) pour les résines dites « mélamine-formaldéhyde » (MF). Dans le langage courant, quand le mot « mélamine » est employé, c’est en réalité à la résine MF que l’on fait référence. De plus, très souvent, on appellera « mélamine » le panneau composite ou le revêtement s’apposant sur celui-ci. Il s’agit dans ce cas d’un abus de langage découlant du fait que le panneau en question contient de la résine mélamine qui agit comme un liant.

Par ailleurs, il existe sur le marché trois principaux types d’agents liants : les résines mélamine, le phénolformaldéhyde (PF) et enfin, l’urée-formaldéhyde (UF). Cette dernière, de moins bonne qualité, est en fait plus commune que les deux premières, notamment dans la conception des panneaux de particules de bois. Ainsi, dans les panneaux lamellés et bon marché, on retrouvera typiquement une âme en particules de bois aggloméré où le liant est de l’UF. À l’inverse, les couches laminées (et plus minces) recouvrant les deux faces de l’âme contiennent plutôt de la mélamine. Le choix d’utiliser différents types de laminage est bien évidemment effectué dans un souci de diminuer les coûts des panneaux.

L’IMPORTANCE D’UNE BONNE RÉSINE 

Les panneaux à résines UF sont plus sensibles à l’humidité et à la chaleur que les résines MF ou PF. En effet, les panneaux comprenant de l’urée-formaldéhyde ont une moins bonne stabilité dimensionnelle et gonflent davantage, car les forces cohésives/adhésives sont plus faibles et moins stables par rapport à celles que confèrent les résines MF ou PF.

De plus, peu importe la résine utilisée, l’adhésion dépend du type de bois qui compose le panneau. Dans les panneaux d’aggloméré, il s’agit souvent d’un mélange de bois et l’adhésion entre le liant et chaque espèce de bois diffère. Il est alors primordial de bien contrôler les paramètres de fabrication pour assurer un temps de durcissement adéquat de la résine et donc, une adhésion optimale. Quand ces paramètres de fabrication ne sont pas scrupuleusement respectés, la performance des panneaux en est affectée et une dégradation prématurée n’est pas à écarter durant la mise en service du produit.

Puisqu’il s’agit de matériaux longtemps utilisés dans le domaine de la construction, il existe des normes qui régissent la qualité des panneaux d’armoires et des liants dans la matrice. Ces normes sont précises en matière d’humidité et des paramètres d’application à respecter. À titre d’exemple, la norme CAN/CSA-série O437-93 encadre, dans une certaine mesure, la résistance à l’eau et à l’eau bouillante à laquelle doit se conformer le liant. On retrouve également la norme CAN3-O188.1-M78 longtemps utilisée pour les panneaux en particules de bois aggloméré.

L’UTILISATION D’ADHÉSIF POUR COLLER LE REVÊTEMENT À L’ÂME

Comme mentionné précédemment, si le revêtement n’est pas directement lié par chaleur durant le processus de fabrication, il peut être apposé par l’installateur ou le fabricant à l’aide d’un adhésif approprié. En général, les colles contact sont pratiques pour ce genre d’utilisation, car elles ont un pouvoir d’autoadhésion et ne requièrent donc pas d’avoir recours à des fixations pour maintenir ensemble les composantes.

La colle contact en question, à base de polychloroprène (colles néoprènes), est appliquée à la fois sur le revêtement et sur l’âme à l’aide d’un vaporisateur ou d’un rouleau. S’ensuit l’étape de séchage, généralement à température pièce et jusqu’à ce que l’adhésif appliqué devienne non-collant au toucher. Dès lors, le revêtement est appuyé contre l’âme et le polychloroprène se cristallise et lie ainsi l’âme au revêtement.

Si les colles néoprènes sont faciles à utiliser, elles nécessitent néanmoins l’ajout d’additifs pour améliorer leur résistance à la chaleur et au vieillissement. En effet, et c’est là que le bât blesse, le polychloroprène est vulnérable à la dégradation amenée par des réactions de déchlorination durant le vieillissement ou encore d’oxydation due à l’exposition à l’oxygène. Ces réactions de dégradation altèrent la couleur et les propriétés mécaniques de l’adhésif. Ce dernier devient alors cassant et perd son pouvoir d’adhésion (figure 2).

D’ailleurs, il est possible d’étudier l’étendue de cette dégradation au moyen d’outils d’analyses chimiques appropriés. Ces analyses permettent, entre autres, de déterminer la composition des colles et de détecter des anomalies souvent liées à la compatibilité entre l’adhésif et les résines utilisées dans la conception des différentes composantes du panneau. Malheureusement, de nombreux laboratoires d’analyse s’arrêtent souvent à l’étape de détection, et n’offrent ainsi aucune interprétation des données pour tenter d’expliquer la cause de la dégradation.

Les caractéristiques souhaitées des colles contact sont définies dans plusieurs normes. Parmi les plus notables, nous retrouvons la norme ONGC 71-GP-20M délivrée par l’Office des normes générales du Canada.

CONCLUSION

Les panneaux d’armoires de cuisine et de cabinets de salles de bain sont susceptibles d’être affectés par leur environnement, notamment par l’humidité et la chaleur. Bien qu’il s’agisse de produits longtemps utilisés dans le domaine de la construction, nul n’est à l’abri d’un défaut de fabrication ou d’une négligence au niveau de l’installation. En conséquence, les panneaux se détériorent prématurément et des dommages secondaires, tel que le développement de moisissures, peuvent survenir.

Chez CEP, nous avons développé l’expertise nécessaire pour déterminer la cause de la dégradation de ce type de biens grâce à notre expérience dans des dossiers similaires. Nous avons, entre autres, conçu des montages expérimentaux pour tester la résistance à l’humidité des panneaux. De plus, nous offrons un service d’analyse chimique qui inclut non seulement l’interprétation des données, mais également la détermination du lien de causalité avec les dommages.

Si vous avez des questions ou souhaitez en savoir plus sur ce sujet, veuillez communiquer avec notre équipe en génie des matériaux et métallurgie au 877 686-0240 ou info@cep-experts.ca

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