Déversement de matières dangereuses : un enjeu coûteux pendant et après l’incendie


Durant le combat d’un incendie, la priorité est d’abord accordée à la santé et à la sécurité des occupants et des intervenants. Les dommages causés aux biens et à l’environnement constituent alors des préoccupations secondaires.

Après l’incendie, il faut toutefois se rappeler que les dommages à l’environnement continuent de s’aggraver et que les risques d’exposition aux contaminants demeurent bien présents.

C’est pourquoi il importe d’agir dans les meilleurs délais pour limiter les dommages et préserver la santé et la sécurité de tous.

Dans le bulletin qui suit, nous discuterons des obligations en cas de déversement de matières dangereuses lors d’un incendie. Nous prendrons aussi en considération la gestion de substances contrôlées comme l’amiante, mais également celles qui le sont moins comme la suie et les agents moussants.

DÉVERSEMENT DE MATIÈRES DANGEREUSES

Un cas classique de dommage à l’environnement relié aux matières dangereuses est la présence sur les lieux de réservoirs de produits pétroliers. Il arrive que ceux-ci soient renversés durant le combat de l’incendie ou bien que des conduites soient sectionnées ou perforées provoquant des déversements accidentels. Le produit déversé peut alors pénétrer dans l’environnement directement ou y être transporté par l’eau utilisée pour éteindre le feu et altérer la qualité environnementale des sols, de l’eau souterraine et de l’eau de surface.

Un produit pétrolier comme le mazout est une matière dangereuse au sens du Règlement sur les matières dangereuses et son déversement accidentel dans l’environnement entraîne des obligations réglementaires qui doivent être exécutées sans délai.

À cet effet, le Règlement sur les matières dangereuses mentionne ce qui suit :

8. Il est interdit d’émettre, de déposer, de dégager ou de rejeter une matière dangereuse dans l’environnement ou dans un système d’égout, ou d’en permettre l’émission, le dépôt, le dégagement ou le rejet, à moins que l’opération ne soit réalisée en conformité avec la Loi sur la qualité de l’environnement (chapitre Q-2).

9. Quiconque rejette accidentellement une matière dangereuse dans l’environnement doit sans délai remplir les obligations suivantes :

1° il doit faire cesser le déversement ;
2° il doit aviser le ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs ;
3° il doit récupérer la matière dangereuse et enlever toute matière contaminée qui n’est pas nettoyée ou traitée sur place.

C’est donc dire, dans le cas d’un déversement accidentel de matières dangereuses comme du mazout, que non seulement le mazout se doit d’être récupéré sans délai, mais également toute matière contaminée qui n’est pas nettoyée ou traitée sur place. Cela inclut notamment les sols et l’eau souterraine.

Le nouveau Guide d’intervention technique du ministère du Développement durable de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC), publié en juillet 2016, confirme d’ailleurs qu’en cas de déversement accidentel de matières dangereuses, l’objectif des travaux de réhabilitation est de redonner au terrain sa qualité environnementale initiale.

Comme celle-ci est souvent inconnue et que le traitement in situ des sols n’est pas applicable sur tous les terrains, cela implique fréquemment de faire l’enlèvement et l’élimination hors site des matériaux dont le niveau de contamination excède les limites de quantification des méthodes analytiques.

Depuis l’entrée en vigueur du nouveau guide, cela implique aussi que les niveaux de contamination de l’eau souterraine doivent être rétablis sous les limites de détection, ce qui peut s’avérer une cible beaucoup plus difficile à atteindre.

En effet, si l’on tarde à réagir, l’eau souterraine contaminée peut migrer loin de la source et son traitement peut s’étirer sur plusieurs mois, voire plusieurs années et entraîner des coûts de décontamination importants. C’est pourquoi, en cas d’incendie, il est essentiel de s’assurer dans les meilleurs délais qu’aucun déversement de matière dangereuse n’est survenu et, lorsque c’est le cas, de réagir sans attendre pour éviter une aggravation des dommages.

Les déversements de matières dangereuses lors du combat d’un incendie entraînent des impacts financiers significatifs et les intervenants de l’industrie de l’assurance en ont de plus en plus conscience. Cependant, d’autres aspects moins connus suscitent aussi des inquiétudes quant à leur impact.

SUBSTANCES CONTRÔLÉES

Une fois l’incendie maîtrisé, des travaux de rénovation, de démantèlement et de reconstruction sont la plupart du temps nécessaires. Certains des matériaux de construction endommagés qui devront être manipulés ou remplacés sont susceptibles de contenir des substances pouvant porter atteinte à la santé des travailleurs et des occupants de même qu’à l’environnement.

L’amiante est très certainement celle de ces substances qui est la plus réglementée. On en retrouve dans une grande quantité de matériaux de construction utilisés au Québec avant 1985.

Lorsque des travaux impliquant des matériaux susceptibles d’en contenir peuvent générer de la poussière, ceux-ci sont soumis à une réglementation stricte.

La section IX.I du Règlement sur la santé et sécurité au travail énumère les obligations des employeurs concernant la gestion sécuritaire de l’amiante. Ces obligations incluent notamment la vérification de la présence d’amiante dans les matériaux susceptibles d’en contenir qui seront touchés par les travaux de démolition ou de reconstruction.

La réglementation oblige également les intervenants à mettre en place des mesures de contrôle de la poussière le cas échéant. Ces mesures sont fonction du type d’amiante, des quantités de matériaux en cause et de leur friabilité. Elles peuvent aller du simple port d’un équipement de protection adéquat pour les travailleurs, au confinement complet de l’aire de travail avec douches, vestiaires et pression négative.

D’autres substances que l’amiante peuvent aussi entraîner des préoccupations et des obligations, par exemple le plomb dans la vieille peinture, le mercure dans les thermostats et le béryllium dans certains équipements de précision. La gestion diligente d’une réclamation reliée à un incendie doit tenir compte de la présence de ces substances.

RÉSIDUS DE COMBUSTION

Lors d’un incendie, il se dégage aussi des résidus de combustion, comme la suie ou les cendres, qui peuvent contenir des contaminants tels que des HAP, des dioxines du chlore et une multitude d’autres composés dont certains ont un effet sur la santé des intervenants et des occupants de même que sur les biens et l’environnement.

Néanmoins, la présence de ces résidus est le plus souvent considérée comme une préoccupation uniquement dans la mesure où ceux-ci sont visibles. Il n’existe pas de directive officielle permettant d’évaluer les risques d’exposition aux résidus de combustion après un incendie ou leur incidence sur l’environnement.

L’absence de méthodologie ou de recommandation précise entraîne nécessairement des interrogations auxquelles il peut être difficile de répondre.

Par exemple, qu’en est-il de la qualité environnementale de l’eau d’un puits de surface lorsque l’eau utilisée pour éteindre le feu s’y est infiltrée ? Quels sont les contaminants qui peuvent s’y retrouver ? Existe-t-il un risque pour la santé des occupants ?

Qu’en est-il des risques d’exposition lorsque des dépôts de suie se sont formés dans la résidence? Quelle est la portée du nettoyage à effectuer ? Quelle est l’origine de ces dépôts ? Proviennent-ils de l’incendie ? Ont-ils une autre source ?

Les réponses à ces questions portent souvent à interprétation et il nous apparaît judicieux de retenir les services d’un professionnel en environnement pour évaluer les résultats et déterminer la portée des interventions à effectuer.

AGENTS MOUSSANTS

Un autre aspect qu’il nous apparaît utile de souligner est l’utilisation d’agents moussants par les pompiers pour optimiser la capacité de l’eau à éteindre les flammes. Certains de ces agents contiennent des composés chimiques dont l’effet sur l’environnement constitue une préoccupation environnementale importante.

C’est le cas par exemple des agents moussants constitués des surfactants à base de composés fluorés comme l’acide perfluoroctanoic carboxylique (PFOA) et l’acide perfluorooctane sulfonique (PFOS). Avec le temps, ces composés ont été bannis et remplacés par de nouveaux fluorosurfactants dont les effets sur l’environnement sont peu documentés.

Il peut donc s’avérer nécessaire d’évaluer la présence de ces produits lorsqu’ils sont utilisés en quantités significatives ou lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir un impact sur des récepteurs sensibles comme des puits d’eau potable ou l’eau de surface d’un lac.

Encore une fois, il est judicieux dans une telle situation de s’adjoindre les services d’un professionnel de l’environnement reconnu.

Une approche rigoureuse prenant en considération l’ensemble des problématiques environnementales reliées au combat des incendies et aux travaux de remise en état des lieux permet de réduire considérablement les risques d’exposition des intervenants et les risques d’atteinte à l’environnement après un incendie, sans compter le risque financier associé à l’inaction et l’aggravation des dommages pouvant en résulter.

Si vous avez des questions ou souhaitez en savoir plus sur ce sujet, veuillez communiquer avec notre équipe en environnement au 877 686-0240 ou info@cep-experts.ca

Articles récents
L’infolettre CEP

L’ingénierie forensique suscite votre curiosité ? Inscrivez-vous à notre infolettre et restez à l’affût de notre prochain webinaire.