La dégradation soudaine des fondations en blocs de béton expliquée


 

La dégradation soudaine des fondations en blocs de béton expliquée

Pourquoi la fondation en blocs de béton d’une propriété, qui était en parfaite condition il y a quelques années, semble-t-elle soudainement se fragiliser, se déformer ou présenter des dommages importants alors qu’elle tient solidement en place depuis 50 ou 60 ans? Étonnamment, la source d’un tel problème peut provenir de la bonne idée d’un propriétaire de vouloir sauver la planète et son portefeuille en isolant la fondation. Les travaux de rénovations intérieures, particulièrement en matière d’isolation, sont souvent la cause des dommages qui vont être observés que des années plus tard. Frédérick Beaucage, ingénieur civil chez CEP Forensique et directeur régional du bureau d’Ottawa, répond à quelques questions au sujet de ces fondations en blocs de béton qui sont très communes dans les plus vieux bâtiments et plusieurs chalets. Il nous explique pourquoi il est préférable, parfois, de simplement « laisser les vieilles fondations  tranquilles ».

1. D’entrée de jeu, peux-tu nous dire pourquoi certaines fondations sont construites en blocs de béton et d’autres en béton coulé et quelles sont les différences majeures entre les deux?

Une des différences majeures réside dans la mise en place des fondations, ce qui se reflète sur le coût. Par exemple, pour les chalets où l’accès est parfois restreint, il est plus facile de transporter des blocs de béton que de faire appel à une bétonneuse. De plus, il n’y a pas de coffrage à mettre en place. Des gens plus manuels pourraient être capables de mettre en place des fondations en blocs, ce qui s’avère moins complexe que de construire des coffrages pour le béton coulé. Quand on pense aux murs de fondation d’une autre époque, il y avait aussi une question de coûts, puisque la main-d’œuvre était moins coûteuse qu’aujourd’hui et le béton coulé était plus dispendieux.

L’autre différence majeure concerne la résistance structurale du mur de fondation du point de vue poussée latérale (c’est-à-dire la poussée du sol contre la fondation, vers l’intérieur). Les blocs de béton, avec leurs nombreux joints, sont plus sensibles au déplacement vers l’intérieur que le béton coulé sur place, qui lui est monolithique. Du point de vue vertical, les deux remplissent très bien leur travail de support de bâtiment.

2. Quels types de dommages associés à des fondations en blocs de béton rencontres-tu le plus souvent dans ton travail?

Si l’on élimine les dommages en lien avec les mouvements de sol observables sur les deux types de fondations, on retrouve souvent des blocs déplacés vers l’intérieur. Ce type de dommage peut être causé par la pression du sol, par le gel du sol, par la pression hydrostatique ou par un mélange de ces trois causes.

Il est aussi important de noter que ce type de dommage est seulement présent lorsqu’il y a un sous-sol ou vide sanitaire assez profond pour qu’il y ait une différence de pression entre l’extérieur et l’intérieur. Lorsqu’il y a une hauteur de sol assez haute à l’extérieur, comparativement au plancher du sous-sol, il y a une pression provenant du sol qui pousse le mur vers l’intérieur. À l’intérieur, il n’y a pas de restriction puisqu’il y a seulement du vide. Avec le temps, les joints entre les blocs se brisent et se déplacent tranquillement vers l’intérieur.

3. Peux-tu aussi nous expliquer pourquoi faire des rénovations intérieures, comme des travaux d’isolation des murs de fondation en blocs de béton, n’est peut-être pas une bonne idée?

Les murs de fondation de ce type, surtout lorsqu’ils sont plus vieux, ont besoin de « respirer ». Il faut un endroit par lequel l’humidité peut sortir. L’humidité de l’extérieur passe au travers des blocs étant donné la nature très poreuse du matériel. Les blocs ont donc besoin de la chaleur de l’intérieur pour sécher et évaporer l’humidité contenue dans les blocs. On comprend que l’humidité va faire augmenter le taux d’humidité dans le sous-sol, mais ça, c’est un tout autre sujet!

Lorsqu’on isole les murs avec de l’uréthane, du polystyrène extrudé ou expansé, ou de l’isolant de fibre de verre avec un pare-vapeur, on limite la quantité de chaleur qui touche le mur et l’on emprisonne l’humidité dans les blocs. De plus, en isolant, on limite aussi la perte de chaleur qui peut se diriger dans le sol vers l’extérieur, ce qui empêche ou limite grandement le gel autour des fondations. S’il n’y a pas de gel à l’extérieur, il n’y a pas de poussées de gel et les blocs peuvent ainsi survivre très longtemps.

4. Est-ce que les dommages pouvant être causés par la mise en place d’isolation sont pires avec des hivers froids et secs ou avec des hivers doux et pluvieux?

Un hiver froid et sec est souvent moins dur sur les fondations, mais cela dépend du type de sol le long des fondations. Si l’on a un sol gélif, les problèmes en lien avec l’expansion du sol sont majoritairement en cause lorsqu’on a éliminé les pertes de chaleur provenant de l’intérieur. Avec du gravier ou du sable, ainsi qu’un bon drain de fondation, l’isolation des murs ne causera pas de problèmes lors d’un hiver avec des températures froides en continu et un bon couvert de neige. Cependant, lors d’un hiver doux, avec des pluies hivernales, l’eau reste plus longtemps à la surface puisque le sol est gelé. La percolation se fait moins bien. S’il y a une chute de température rapide après la pluie, l’eau va geler et pousser sur les murs de fondation.

5. En conclusion, y a-t-il moyen d’effectuer des travaux de rénovation près d’une fondation en blocs de béton sans craindre de causer sa dégradation à long terme?

C’est possible, mais c’est coûteux! Il faut vraiment limiter la quantité d’eau à l’extérieur, le long des murs de fondation. Un bon drainage est donc nécessaire. Il faut aussi imperméabiliser le mur de l’extérieur. Ceci va limiter la quantité d’eau qui va pouvoir entrer dans les blocs. Il faut aussi avoir un sol non gélif le long des fondations (le remblai) et un bon drain de fondation. Par la suite, il est possible d’isoler de l’intérieur, sans risque de dommages à long terme, puisqu’il n’y a plus d’eau qui va pouvoir geler durant l’hiver. S’il n’y a pas d’eau dans le sol, il n’y a pas d’expansion du côté extérieur, donc pas de poussée latérale sur les blocs.

Donc, pour sauver la planète et son portefeuille, il faut quand même investir beaucoup d’argent au tout début pour sauver sur les coûts de chauffage et sur des fondations neuves. C’est un pensez-y-bien!

Pour en savoir davantage sur le sujet, ou pour nous envoyer une demande d’expertise, veuillez communiquer avec notre équipe d’experts en génie civil et structure.

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