Par Richard-Alexandre Tremblay, ing.
Lors de leurs investigations forensiques, nos experts récoltent le plus grand nombre de données pour établir les circonstances, la région d’origine et la cause d’un sinistre. Afin de déterminer la cause précise du sinistre et d’évaluer les possibilités de subrogation, nos ingénieurs suivent un processus rigoureux que nous appelons, dans notre jargon, « l’arbre de défaillances ».
Cette méthodologie consiste à rassembler les informations objectives recueillies lors de l’investigation, ce qui permet de considérer l’ensemble des sources possibles de défaillance. Il est même possible d’en faire la représentation graphique.
À titre d’exemple, voici d’abord la représentation d’un arbre de défaillances d’une lampe de poche. Si celle-ci ne fonctionne plus correctement, il y a trois hypothèses à vérifier, soit une défaillance de l’interrupteur, de la batterie ou de l’ampoule.
Figure 1
Arbre de défaillances d’une lampe de poche
Le « OU » et le « ET »
Notez que, pour ce type d’appareil, une seule cause parmi celles mentionnées sur la figure ci-haut est requise pour interrompre le fonctionnement de la lampe. Ainsi, la relation entre la défaillance et les différentes causes possibles seront rassemblées sous ce qu’on appelle la porte logique ou la fonction logique « OU ».
Dans le cas où plusieurs facteurs doivent être réunis simultanément pour qu’un appareil cesse de fonctionner, les éléments pouvant expliquer la défaillance seront rassemblés sous la fonction logique « ET ».
Ainsi, dans le cas de la lampe de poche, si la batterie et l’interrupteur sont tous les deux fonctionnels, mais que l’ampoule ne l’est plus (brûlée, par exemple), la lampe de poche dans son ensemble ne sera plus fonctionnelle.
Pour permettre de comprendre la fonction logique « ET », pensons à un incendie (voir croquis ci-bas). Dans le modèle simplifié, afin de produire un incendie, quatre éléments doivent être réunis : la chaleur, un agent oxydant, un combustible et une réaction en chaîne. En l’absence d’un seul de ces quatre éléments, impossible de maintenir la combustion.
Figure 2
Arbre de défaillances d’un incendie
En utilisant cette logique, imaginons une situation fictive d’allumage d’un incendie en raison d’une défaillance électrique d’un ventilateur. Nous devons avoir, en simultané et dans l’air ambiant (oxydant), l’amorce d’arc électrique sur un composant du ventilateur (source de chaleur), la présence de matériaux combustibles situés à proximité (combustible), et une réaction d’oxydation qui devra se maintenir (réaction en chaîne) pour permettre la propagation de l’incendie. L’absence d’un de ces quatre éléments essentiels empêchera l’incendie.
Figure 3
Fonction logique « ET »
Dans le cas d’un incendie dans un garage, par exemple, un ingénieur pourrait considérer trois sources possibles d’allumage : un article de fumeur, des travaux à chaud « OU » une défaillance électrique d’un aérotherme de plafond.
Considérant que l’occupant n’a pas fumé ni fait de travaux à chaud et que l’analyse des patrons de propagation et des traces de court-circuit suggère une défaillance de l’aérotherme, ce mode d’allumage sera retenu.
L’ingénieur approfondira son analyse afin de préciser le mode de défaillance. Est-ce un contact résistif attribuable à une installation déficiente de la part d’un électricien « OU » plutôt une défaillance interne de l’aérotherme résultant d’un défaut de fabrication?
En fonction de la cause qui aura été identifiée, la subrogation pourra être correctement orientée.
Figure 4
Fonction logique « OU »
L’importance d’une cause précise
Dans l’éventualité d’une défaillance interne de l’appareil, la méthode de l’arbre de défaillances pourra être utilisée par l’ingénieur du fabricant de l’aérotherme. Pourquoi? Parce que le mode initial de défaillance, communément appelée root cause est étroitement lié à la possibilité de subrogation.
Le fait d’identifier le mode initial de défaillance permet d’améliorer la qualité des produits d’un manufacturier et de corriger les problèmes dans la prochaine version de ceux-ci. Dépendamment de la sévérité du problème, il est même possible que le manufacturier publie un rappel sur certains produits afin de minimiser le risque pour les utilisateurs.
L’ensemble de l’analyse des défaillances fait partie du procédé de sûreté de fonctionnement. La sûreté de fonctionnement évalue les capacités d’un système (produit) à fonctionner dans un environnement et dans des conditions données, c’est-à-dire de déterminer si le produit est adéquat pour son usage. Cette analyse est décomposable en quatre composantes : la fiabilité, la maintenabilité, la disponibilité et la sécurité.
L’arbre de défaillances s’applique très bien dans toutes les branches de l’ingénierie forensique. Il fait partie intégrante des démarches effectuées par nos experts lorsque vous confiez un mandat à CEP Forensique pour vous soutenir dans la gestion de vos dossiers de réclamation et de subrogation.