Prélèvement et traçabilité des échantillons, analyses et interprétation des résultats
Par Marc-André Morel, Chimiste
Il est 4 h. Les pompiers sont appelés pour un incendie qui fait rage à la Pizzeria Pepperoni-Fromage, un restaurant du quartier. Sur les lieux, le constat est clair : la porte d’entrée principale a été forcée, la vitrine a été fracassée et le patron de carbonisation sur le carrelage du plancher est pour le moins particulier. Bref, le brasier est d’origine suspecte et les pompiers demandent l’aide des policiers pour déterminer l’origine et la cause de l’incendie.
Plus tard, un investigateur spécialisé en incendies et en explosions de CEP Forensique est mandaté par l’assureur du bâtiment pour déterminer, de façon scientifique, l’origine, les circonstances et la cause probable de l’incendie. Comment s’y prend-il dans une telle situation ?
Dans ce scénario fictif, les informations préliminaires suggèrent qu’un liquide inflammable ou combustible ait été utilisé pour augmenter l’intensité du brasier (ce qu’on appelle souvent, à tort, un accélérant).
L’importance du prélèvement
Dans de tels scénarios, un investigateur devra porter une attention particulière à l’échantillonnage et au prélèvement afin de confirmer la présence d’un liquide inflammable ou combustible sur le site. Pour ce faire, l’investigateur appliquera des techniques rigoureuses de décontamination des outils de prélèvement et utilisera des contenants inertes ayant la particularité d’être étanches aux vapeurs de liquides inflammables.
Des matériaux poreux autour de la zone où un déversement est suspecté seront privilégiés (tapis, bois, laine isolante, coulis entre les carrelages, etc.) De plus, lorsque la situation le permet, l’expert prélèvera un échantillon de comparaison sur lequel on ne suspecte pas la présence de liquide inflammable. Ce prélèvement permettra au personnel du laboratoire d’analyses de faire la différence entre la signature chimique du substrat et celle du liquide inflammable suspecté.
Notons que des odeurs suspectes peuvent orienter le choix de l’expert sur le prélèvement à faire. Au besoin, le recours à un maitre-chien avec un animal entraîné à détecter des vapeurs d’hydrocarbures peut grandement augmenter la pertinence du prélèvement et les probabilités d’un résultat positif au laboratoire.
De la gazoline restante après un incendie?
Bien que l’on puisse penser que la gazoline sera complètement consumée par l’incendie, l’expérience et la théorie démontent plutôt que des traces de celle-ci peuvent être retrouvées par après. La composition chimique de la gazoline et ses propriétés physicochimiques font en sorte que les substrats poreux l’absorbent facilement.
De plus, la théorie nous enseigne que ce sont les vapeurs de gazoline au-dessus du liquide qui sont consumées par l’incendie et non le liquide lui-même. Ainsi, des traces du liquide peuvent être protégées par des retombées, par exemple.
Les analyses en laboratoire externe et leurs principes de base
Le prélèvement sera ensuite envoyé dans un laboratoire externe. Un spécialiste utilisera alors des techniques de pointe dans le domaine de la chimie analytique pour examiner le prélèvement et y rechercher des traces de la présence d’un liquide inflammable (p. ex. gazoline, essence à briquet, alcool) ou combustible (p. ex. diesel, mazout). De plus, le spécialiste devra prendre en compte plusieurs phénomènes typiques des liquides inflammables pouvant altérer le résultat affiché par l’appareil (p. ex. évaporation, dégradation).
Le laboratoire utilisera la propriété volatile des liquides inflammables pour les extraire du prélèvement. Ainsi, le prélèvement est légèrement chauffé et un matériau poreux (p. ex. charbon activé) en suspension au-dessus du prélèvement absorbera les vapeurs d’hydrocarbures présentes dans ce dernier. La portion extraite est ensuite analysée avec des instruments spécialisés, comme un chromatographe en phase gazeuse couplé à un spectromètre de masse (mieux connu sous l’acronyme anglais GC-MS).
L’instrument remplit deux fonctions. D’abord, il permet de séparer les molécules d’un mélange en les faisant circuler dans un tube de 30 mètres de longueur ayant un diamètre interne d’environ 150 micromètres (un cheveu a un diamètre externe d’environ 75 micromètres). Puis, à la manière d’une course, les petites molécules terminent la distance en premier et les plus lourdes en dernier. Les molécules passent ensuite, une à la fois, devant un détecteur par spectrométrie de masse. Ce détecteur permet de fracasser les molécules et d’analyser la masse des fragments.
Les résultats sont ensuite analysés et interprétés en fonction de la présence et des proportions de certaines grandes familles de composants provenant du raffinage du pétrole.
Traçabilité de l’échantillon et analyse de l’ensemble des résultats
Tout au long du processus, une traçabilité du prélèvement est garantie afin d’assurer l’intégrité de l’échantillon. En effet, les liquides inflammables habituellement utilisés lors d’incendies suspects sont omniprésents dans l’environnement de tous les jours.
Finalement, l’investigateur en incendies/explosions de CEP Forensique analysera le rapport d’expertise produit par le laboratoire externe afin d’évaluer le résultat en fonction du prélèvement et des observations faites sur le site. En effet, les résultats peuvent être positifs pour une multitude de familles de liquide inflammable.
En fonction des contenants encore identifiables sur le site de l’incendie, la présence d’un liquide inflammable pourrait s’expliquer par une fuite d’un de ceux-ci ou encore des travaux récents d’un assuré (p. ex. nettoyage de pièce de moteur). Par exemple, la présence d’essence dans un garage est tout à fait normale. En revanche, en trouver dans une chambre principale est inhabituel et pourrait suggérer que l’incendie ait été déclenché de manière délibérée.
Il est important de suivre des règles précises et rigoureuses lors de l’investigation d’une scène d’incendie ou d’explosion dont la nature semble suspecte. N’hésitez pas à faire appel aux investigateurs de CEP Forensique, qui, grâce à leur expertise en la matière, pourront vous guider dans la gestion de votre dossier de réclamation.