Relâcher la pression pour éviter le pire


 

Tout réservoir ou système de tuyauterie sous pression comme votre réservoir d’eau chaude domestique, votre réservoir d’air comprimé dans votre garage ou une installation sous pression dans une usine est muni d’une pièce généralement petite, mais ô combien essentielle : un dispositif de protection contre la surpression. Son rôle est de libérer le surplus de pression afin d’éviter une explosion. Notre ingénieur Hugo Julien, spécialisé dans l’interprétation et l’application des codes associés aux équipements stationnaires de tous genres répond à quelques questions. 

  1. Il existe différents types de dispositifs, comme les soupapes contre la surpression et les disques de rupture, par exemple. Quels sont les plus fréquents et sur quels types d’équipements pouvons-nous les retrouver?

Les plus fréquents sont les soupapes de sûreté (pour les gaz) ou les soupapes de décharge (pour les liquides) puisqu’ils peuvent se refermer lorsque le surplus d’énergie est dissipé. Les disques de rupture, pour leur part, vont relâcher complètement le contenu de l’installation sous pression lors de leur ouverture, ce qui est peu pratique. Cependant, ces derniers peuvent être utilisés en amont à la soupape de surpression lorsque le procédé est corrosif ou sale, évitant du même coup d’endommager ces dernières. 

Il en existe d’autres types, comme les soupapes brise- vide ou les soupapes de surpression et de température que l’on retrouve sur un chauffe-eau domestique, par exemple. Chaque installation sous pression doit être adéquatement protégée contre les risques pouvant endommager les parois sous pression.

  1. Comment fonctionnent ces dispositifs, en bref? Comment le risque est-il détecté et que se produit-il pour éviter l’explosion, surtout dans un endroit où l’on peut retrouver plusieurs personnes, comme une usine?

Chaque dispositif contre la surpression est ajusté en usine, par des techniciens qualifiés, selon les spécifications de l’ingénieur. À titre d’exemple, pour les soupapes de sûreté ou de décharge, un ressort compresse un siège étanche. Si la pression est assez importante pour le faire soulever, le fluide est relâché immédiatement dans un endroit sécuritaire. Lorsque le surplus d’énergie pouvant mettre à risque l’intégrité de l’équipement est relâché, le ressort préajusté en usine referme le siège, limitant ainsi les pertes. 

Pour ce qui est des disques de rupture, ils sont essentiellement composés d’une membrane fine qui peut être conçue avec différents matériaux ayant d’excellentes propriétés contre la corrosion, en fonction de l’utilisation. Cette membrane se fracture lorsque le niveau spécifique de la pression différentielle dépasse la résistance à laquelle le disque est étalonné, afin de permettre, une fois de plus, l’évacuation de la pression excessive.

  1. À quel point les conséquences peuvent-elles être dramatiques lorsque le dispositif ne fonctionne pas comme prévu?

Chez CEP Forensique, nous avons été appelés à travailler dans plusieurs dossiers où l’installation sous pression, mal protégée, a littéralement explosé causant d’importantes pertes matérielles, et parfois, malheureusement d’importantes blessures ou la mort. En Amérique du Nord, on répertorie annuellement environ 72 incidents causant des blessures, dont environ 13 décès, selon The National Board of Boiler and Pressure Vessel Inspectors. Veuillez prendre note que ces incidents ne sont pas tous associés à la protection de surpression. En effet, ils peuvent être d’une autre nature.

  1. Lors d’une défaillance de soupape entraînant un incendie très destructeur, comment un expert parvient-il à déterminer la cause exacte du sinistre?

Il est plutôt rare qu’une soupape de surpression soit la cause d’un incendie. En revanche, lors d’un incendie situé près d’un réservoir ou d’une tuyauterie sous pression, la pression interne peut monter rapidement, en raison de la chaleur, actionnant ainsi la soupape de surpression. Si la sortie de cette dernière est dirigée vers le feu, il peut facilement l’alimenter et amplifier les dommages.

  1. Est-ce qu’une soupape de surpression comme celle d’un réservoir d’eau chaude domestique a une durée de vie? Existe-t-il une façon de l’entretenir pour prolonger celle-ci?

Aucune durée de vie maximale n’est imposée à ces équipements de protection contre la surpression. Selon les règlements en vigueur dans la juridiction où l’équipement sous pression ou la chaudière est installé, des fréquences d’inspection sont toutefois exigées sur ceux-ci et leur voisinage. Le voisinage est défini, dans les règlements, comme tous les accessoires et tuyauteries connectés à l’appareil sous pression ou à la chaudière, incluant la protection de surpression. Pendant ces inspections, la soupape est envoyée chez un(e) technicien(ne) certifié(e) par le National Board of Boiler and Pressure Vessel Inspectors (reconnu par le Canada) pour y faire des essais d’ouverture et la recertifier, si possible. Des réparations sont parfois nécessaires. Elles sont documentées et mises dans le registre de l’équipement sous pression ou la chaudière. Si des problèmes récurrents sont observés, des mesures correctives sont nécessaires (changement de conception, augmentation de la fréquence d’inspection). Une bonne référence existe, soit l’API RP 576 (Inspection of Pressure-Relieving Devices), si le lecteur veut pousser ses connaissances à ce sujet.

  1. Quelles sont les exigences en matière d’installation, de maintenance et d’inspection pour assurer le bon fonctionnement de ces dispositifs? Quelles sont les plus importantes selon la réalité québécoise et canadienne?

Au Canada, chaque province et territoire ont leurs propres exigences en ce qui a trait aux protections de la surpression. Les principales exigences reconnues sont documentées dans le nouveau Code ASME, à la Section XIII (Rules for Overpressure Protection), le National Board Inspection Code NBBI NB23 Part 4 (Pressure Relief Devices), le code canadien CSA B51 (Code sur les chaudières, les appareils et les tuyauteries sous pression), ou le code provincial québécois soit le BNQ 3650-900 (Code d’installation des chaudières, des appareils et de la tuyauterie sous pression).

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